Assemblée plénière Région Normandie – 24 juin 2019 – Intervention de Laëtitia Sanchez sur le rapport 2018 relatif à la situation de la Région en matière de développement durable
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Assemblée plénière Région Normandie – 24 juin 2019

Délibération 6 : Rapport 2018 sur la situation de la Région en matière de développement durable

Intervention de Laëtitia Sanchez, présidente du groupe Normandie Ecologie EELV

Comme pour le bilan d’activités que nous examinerons ensuite, vous nous proposez une fois de plus un beau catalogue d’autopromotion.

Le document se complaît à rappeler le chef de filât de la Région en matière de climat, de transition énergétique, de biodiversité. Il égrène des listes d’actions ponctuelles, mais en oubliant toujours que le DD devrait irriguer de manière transversale l’ensemble des politiques menées.

Je cite, pêle-mêle :

  • 10 voitures à hydrogène. Avec le fiasco du programme EasHy-Mob qui s’achève – dont les prix de projets se sont avérés nettement supérieurs à ce qui avait été imaginé en début de programme en 2016 (nous le verrons dans le rapport n°13 des Décisions modificatives budgétaires).
  • On a aussi un bus électrique – pour éviter d’ouvrir une ligne ferroviaire entre la métropole rouennaise et la Préfecture voisine d’Evreux. Mais bientôt, il pourrait emprunter des autoroutes payantes – avec la nouvelle A133 et la mise en concession prévisible de la RN154 qui suivrait.
  • Pour le logement, vous affichez un rythme annuel de 3000 logements construits ou rénovés dans le cadre du plan Bâtiment Durable… sur 1,8 millions de logements normands.

Si l’ensemble des 13 régions métropolitaines suivait ce même rythme, on arriverait péniblement à 40.000 rénovations par an – bien loin de l’objectif national de 500.000 logements, indispensable à la tenue des objectifs de la loi de transition énergétique et de l’Accord de Paris. Si l’on y ajoute le dépôt de bilan programmé de l’ALEC 27 (l’Agence Locale de l’Energie et du Climat de l’Eure), on ne peut que s’inquiéter au sujet de la mise en œuvre de la transition énergétique sur les territoires.

  • Ensuite, si vous avez bien repris l’idée de sensibiliser les lycéens aux enjeux du Développement Durable, par la diffusion du film « Demain » dans les lycées, eux vont bien plus loin, et à la suite des débats organisés le vendredi 22 mars, ils proposent des actions très concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique :
    • des lycées moins polluants, avec moins de gaspillage énergétique ;
    • des récupérateurs d’eau ;
    • des poubelles de tri ;
    • des lycées accessibles par pistes cyclables ;
    • des cantines avec moins de viande et de gaspillage, avec des produits locaux et de saison, et un ou plusieurs menus végétariens chaque semaine.

Je ne sais pas si les Ministres qui ont assisté à cette présentation ont hué les lycéens du CNVL (le Conseil National de la Vie Lycéenne) – comme nombre d’entre vous l’ont fait lorsque je vous avais soumis cette proposition en décembre dernier !

Aujourd’hui vous avez peut-être compris votre erreur, en proposant comme nous venons de le voter, de développer les protéines végétales pour l’alimentation – qui sont bonnes pour le climat, la santé, et les agriculteurs !

Ce catalogue superficiel est une chose. Mais comment ne pas être heurté encore plus par les contradictions – lorsqu’on lit par exemple dans les objectifs de la finalité 2 du rapport que (je cite) : « la richesse normande est menacée, que les haies disparaissent, (…) que l’étalement urbain progresse au détriment des surfaces agricoles et naturelles et favorise l’utilisation de la voiture.

Cela en sachant (je cite toujours) que les transports constituent le deuxième poste d’émission de GES. » (p.42) – et qu’on constate en même temps que vous continuez à promouvoir et à financer l’artificialisation des sols, les autoroutes, et les ZAC au milieu des champs – avec leurs noms bucoliques comme la Haye Tondue ou la Plaine de la Ronce. Avant, il n’y avait rien d’autre là que des « ronces », des « plaines » et des « haies » : les zones agricoles et naturelles ne sont rien d’autre que les pages blanches des aménageurs !

Vous proposez en outre de financer l’artificialisation de plus de 1000 hectares du poumon vert et de la ceinture agricole de la métropole rouennaise, avec 2 autoroutes, les zones d’activités et la périurbanisation qui vont avec – et qui déplaceront les emplois et l’habitat vers les périphéries, éloignant encore un peu plus les habitants et les salariés des centres-villes.

Rouen avait le privilège d’échapper à l’atlas de la France moche – en ayant su préserver une ceinture verte et un centre-ville dynamique : faut-il être fier en ce nouveau siècle de lui faire rejoindre ce club des villes moches murées derrière leur ceinture de ZAC… ?

C’est toute la différence avec une région où il y a des écologistes aux commandes : la région Nouvelle Aquitaine a fait le choix concret de ne plus du tout investir dans les routes, mais uniquement dans le ferroviaire, ce qui permet par exemple de réouvrir des lignes comme Niort-Parthenay, qui permettra d’éviter 11.500 camions. Que ne faites-vous le même choix pour la ligne Rouen-Orléans, la « ligne du blé », avec ses silos en bord de voie, mais où l’on roule en moyenne à 8 kms/h du fait de la vétusté – en lieu et place d’une autoroute et de la privatisation de la nationale qui suivra ?

C’est tout à l’image de votre SRADDET, qui promet de poursuivre l’artificialisation des sols – tout en disant bien sûr qu’il ne faut pas le faire.

On continuera, mais attention : deux fois moins vite qu’avant !

Et sans indicateurs d’origine ni période de référence : quelles pourraient donc être les modalités de mesure et de contrôle de ce rythme ?

Ce sont les questions posées par l’Autorité environnementale sur ce SRADDET – dont la phase d’enquête publique s’est achevée sans tambour ni trompette, il y a quelques jours.

En même temps d’ailleurs que le Tribunal Administratif examinait le recours des associations contre votre projet de PRPGD – dont le rapporteur public a réclamé l’annulation totale au vu de sa méconnaissance du Code de l’Environnement et de son manque de prescriptibilité, en l’absence d’un programme d’actions concrètes à mettre en œuvre, avec un calendrier.

Dire c’est bien. Mais le faire, c’est mieux ! Et l’eau ferrugineuse… J’ai déjà dû le dire – mais je n’ai pas vu le faire.