Assemblée plénière – lundi 15 février – Discours de politique générale de Laetitia Sanchez
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Assemblée plénière de la Région Normandie – Lundi 15 février 2021

Discours de politique générale

Intervention de Laetitia Sanchez, Présidente du groupe Normandie Ecologie-EELV

Notre responsabilité d’élus, c’est de préparer l’avenir, celui-là même que nous réclament les électeurs, et que nous devons aux générations futures.

Il y a quelques jours, un rapport de Météo France nous alertait sur le climat extrême que pourrait connaître la France à la fin du siècle si nous n’agissons pas drastiquement, dès aujourd’hui, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Ce sont les enfants nés aujourd’hui qui subiront ce dérèglement, dont nous voyons déjà les effets s’installer année après année, si les adultes d’aujourd’hui n’agissent pas.

La pandémie nous alerte sur la fragilité de notre système. Préparer l’avenir, c’est renforcer notre capacité de résilience, en choisissant les meilleures options pour rendre notre région attrayante et vivante. Et surtout capable de résister aux soubresauts d’une société de consommation sans frein, qui dévore les terres plutôt que les utiliser pour produire une nourriture saine, et qui rejette la faute du réchauffement climatique, en en déléguant la responsabilité aux seuls citoyens, souvent désarmés. Mais il ne suffira jamais de mettre les gens sur un vélo ou de mettre un pull ! Même si l’on transformait 67 millions de français en super-héros de l’écologie, cela ne réglerait qu’1/4 de nos rejets de GES. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, appelle aujourd’hui tous les dirigeants du monde à déclarer l’état d’urgence climatique. Qu’attendons-nous ? 

L’argent public, chaque euro versé ou utile à nos concitoyens doit être investi s’il est utile pour le présent, et s’il est utile pour le futur.

En matière d’éducation, nous voyons les ravages actuels du confinement des étudiants privés de fac, avec des taux effrayants de décrochage scolaire, une explosion de la précarité étudiante et du mal être physique et psychique. Selon une enquête de la Fédération des Étudiants Francophones en janvier, sur 7.700 étudiants interrogés, 60% des étudiants se disent en décrochage scolaire, et 80% se sentent fragilisés psychologiquement. 10% envisagent même d’arrêter leurs études.

Prendre soin de notre jeunesse, c’est prendre soin de l’avenir, et c’est prendre soin de notre modèle de société.

Des manifestes ont par ailleurs établi ces dernières années la préoccupation des jeunes pour les questions d’environnement et de climat.

On peut citer le Manifeste pour un réveil écologique. Signé par 31.000 étudiants d’universités et grandes écoles il appelait en septembre 2018 au sursaut de leurs futurs employeurs : “Proposez-nous des jobs qui sont en accord avec nos valeurs écologiques”, disaient-ils en substance.

Mais aujourd’hui, sur ce sujet du développement durable, vous préfèrez les grandes « messes » médiatiques du type « Walk the Global Walk » au financement des actions et équipements.

Eduquer, c’est former des citoyens, c’est ouvrir l’esprit, c’est développer l’autonomie et la confiance en soi. La Région doit permettre à tous les lycéens de s’épanouir, en apportant à l’éducation nationale des conditions pour étudier de manière satisfaisante. Par l’amélioration du cadre de vie des lycéens, avec des bâtiments agréables et bien isolés, des accès cyclables sécurisés ; des conditions de restauration qui allient la qualité, en offrant une alimentation biologique en circuits courts, des alternatives végétariennes, et l’accès à des repas peu onéreux, voire gratuits. La mobilité des lycéens, des étudiants et de toutes les personnes en formation, est également de la compétence de la Région, qui en est l’autorité organisatrice. Pour déconfiner les corps et les esprits, nous pourrions réfléchir à la gratuité des transports pour les lycéens et les étudiants. Vous le faites pour les étudiants des filières sanitaires et sociales, pourquoi ne pas élargir ce dispositif à l’ensemble des étudiants ?

Enfin, la Région peut également intervenir dans la formation initiale par les budgets alloués aux projets pédagogiques. Là encore, déconfinons les esprits, en soutenant le monde de la culture, si essentiel à la formation et à l’épanouissement, en favorisant largement les projets et les partenariats.

Pour terminer avec la formation continue et l’enseignement supérieur, ils sont essentiels pour accompagner la transition de notre modèle économique. Quels seront les métiers de demain ?

Il nous appartient aujourd’hui de développer une carte et des réseaux de formation et de recherche adaptés aux nouveaux besoins de l’économie verte.

D’après les derniers sondages, l’emploi et l’environnement sont cités comme premières préoccupations des Normands, quel que soit leur âge.

Pendant que l’ADEME évoque les 4 millions d’emplois de l’économie verte, du tourisme à la recherche, en passant par les transports, le bâtiment, l’agriculture, les énergies renouvelables, vous vous faites le représentant, Monsieur le Président, d’un modèle en bout de course.

Les projets d’EPR conduisent inéluctablement EDF et les français au surendettement. Avec en prime une facture multipliée par 3 pour les usagers, de 35 à 110€ le MWh, ce qui empêche le développement des énergies renouvelables – les seules rentables aujourd’hui, avec des prix en baisse. Vous persévérez dans ce que même la Cour des comptes qualifie d’erreur stratégique, en soutenant l’implantation de deux nouveaux EPR à Penly, ce qui ferait de la Normandie la région la plus nucléarisée du monde. Quelle image de marque pour notre belle région !

Avec en bout de course une mutualisation de la dette du nucléaire, et une privatisation des profits des renouvelables. Céline Brulin a parlé du projet Hercule, même si nous ne partageons pas les mêmes conclusions sur ce sujet. Et les retards et les coûts ne cessent de s’amplifier. Flamanville, Hinkley Point… Pensez que l’EPR de Finlande a 17 ans de retard !

Gouverner c’est choisir. Non seulement, vous échouerez à sauver l’ancien modèle, mais vous ne préparez pas l’avenir.

La rénovation thermique des bâtiments est en retard ; les énergies renouvelables sont en retard – où sont les éoliennes en mer ? L’agriculture biologique est en retard, au moment où la demande explose. Les circuits courts peinent à se structurer. Le tourisme local peine à se développer face aux projets d’un gigantisme aujourd’hui inadapté – nous avons déjà à plusieurs reprises évoqué le D-Day Land. Les ZAC et les lotissements continuent de vider les centres-villes en consommant les terres agricoles, et éloignent les habitants de leurs lieux de travail. Vous me direz-virus oblige, que le télétravail est une alternative, mais les entreprises jouent-elles toutes le jeu ?

Concernant le fret ferroviaire et fluvial, leur retard pénalise la compétitivité des ports normands par rapport aux ports du nord de l’Europe. Le Canal-Seine-Nord-Europe sera au gabarit européen. Le canal Bray-Nogent devrait permettre le grand gabarit après 2025. Haropa est-il prêt à affronter la concurrence de nos amis du Nord ? Si la Seine est un fleuve à Grand gabarit, qu’en est-il de certaines écluses, comme Poses – dont l’une des deux écluses reste au gabarit Freyssinet ? Cela correspond-il aux besoins à venir ?

Enfin, les transports du quotidien ne sont pas non plus au rendez-vous pour pouvoir servir de véritables alternatives au tout-routier qui condamne chacun à se débrouiller. Sans revenir une fois de plus sur les suppressions de trains, l’amplitude et le cadencement très insuffisants des trains existants : où sont les liaisons ferroviaires qui permettraient de désenclaver la vallée de l’Andelle – alors que la ligne existe -, ou de relier le Pays de Bray et l’Eure à la métropole rouennaise ?

Contre les besoins des populations, exprimés dans les réunions de concertation de 2014 ou l’enquête publique de 2016, exprimés sur les ronds-points de votre Normandie, puis par les électeurs qui se sont exprimés clairement à ce sujet dans les urnes à Rouen, contre les votes des collectivités locales, du département de l’Eure, de l’Agglomération Seine-Eure, puis de la métropole rouennaise la semaine dernière, vous continuez de vouloir imposer un projet autoroutier à péage dont ni les collectivités ni les habitants ne veulent plus. A grands renforts de millions, vous proposez maintenant… 205 millions pour la Région. Mais nous y reviendrons dans un instant.