Enquête publique
Jeudi 3 octobre
Contribution du groupe Normandie Ecologie-EELV à l’enquête publique relative à l’extension d’un élevage bovin sur les communes de Houlbec-Cocherel et de Douains
« Monsieur le Commissaire enquêteur,
Ce projet suscite énormément d’inquiétudes et les oppositions des riverains à cette ferme-usine sont nombreuses. De nombreux problèmes sont pointés du doigt, qu’ils soient environnementaux, économiques ou sociaux et cela pour une raison simple, l’élevage intensif n’est plus le modèle souhaité par la population. L’augmentation de la rentabilité au détriment de la qualité et du bien-être animal n’est plus une recette qui fonctionne.
Le grand nombre de contributions déjà déposées le prouve, le dossier fait la quasi-unanimité contre lui, il n’y a que l’entrepreneur qui a quelque chose à y gagner. Les études d’impact sont d’ailleurs relativement sommaires sur plusieurs points notamment l’augmentation du trafic routier et la présence des nuisances olfactives et sonores suivant la force du vent.
Dans de nombreuses contributions, nous pouvons lire une demande de prolongation de l’enquête publique, les habitants concernés ont le sentiment de ne pas avoir été suffisamment informés ou consultés pour un sujet aussi complexe et primordial. Nous ne pouvons que souscrire à cette demande et y apporter notre soutien.
Le bien-être animal
La question du bien-être animal est totalement foulée aux pieds par ce type de structure et celle à Houlbecq-Cocherel n’y fait pas exception, les bêtes se retrouvent avec très peu d’espace et presqu’aucun accès extérieur n’est possible au regard du nombre d’animaux présents. Il ne s’agit plus d’une ferme mais simplement d’une usine qui a pour unique mission de voir le profit augmenter. Ces infrastructures hors normes reposent sur une mécanisation déraisonnable et un non-respect du rythme biologique des animaux. Il est aujourd’hui de notre responsabilité collective de ne plus laisser ce type d’établissement proliférer.
La fin du paysan
Ce lieu n’a rien de comparable avec une ferme, de plus il ne crée pas d’emplois et il n’y a pas de retombées économiques pour la commune ou l’intercommunalité. Au contraire, il mène même à la disparition d’un métier, d’un rôle-clef dans nos campagnes, celui du paysan. Le rôle du paysan est doté de nombreuses facettes, il s’agit d’un métier intéressant qui a malheureusement été mis à mal avec la multiplication des fermes-usines. Nous avons besoin de tous ces paysans qui produisent, aménagent et animent le territoire. Ce sont des fermes familiales, nombreuses et engagées dans la vie locale et associative, qui permettent de maintenir écoles, commerces et vie dans les campagnes. Nous ne devons pas sacrifier cela au profit de structures où tout n’est que tâches répétitives et où la hausse du profit est une quête constante.
Les fermes-usines sont des freins à l’installation de nouveaux agriculteurs. Le capital financier de ces investissements est impossible à reprendre pour de nouveaux paysans. C’est uniquement le système financier (fonds de pension et fonds d’investissements) qui pourront se porter acquéreur et en cas de crises de marchés encombrés, cela causera l’abandon systématique de l’élevage et aura une très forte incidence sur l’emploi dans les outils agroalimentaires de la Normandie.
Sur le cas très précis du lait, cette ferme-usine augmentera les volumes de production et les excédents de lait. Les conséquences possibles, nous les connaissons, fluctuation du prix du lait et risque de disparition des producteurs de lait évoluant dans des structures d’une autre taille, plus modestes, plus familiales.
Les craintes des riverains
Bien loin de se limiter à du NIMBY (Not In My BackYard) les craintes sont parfaitement compréhensibles. Cet agrandissement fait craindre aux habitants de devoir subir des odeurs désagréables en permanence. D’autres craignent pour leur sécurité avec le nombre de tracteurs et d’engins agricoles qui sera démultiplié sur les routes d’Houlbec Cocherel. Enfin, la majorité des Houlbecquois évoquent « la catastrophe environnementale » que représenterait cet élevage intensif au cœur de l’Eure. Certains riverains dénoncent aussi le manque de transparence autour de cette question et il s’agit pour certains d’entre eux d’un frein légitime pour accepter le projet de l’entrepreneur belge.
Sur la question des déplacements, rappelons que chaque bovin consomme quotidiennement 100 kg de matières vertes donc sur 365 jours et vu le nombre d’animaux, cela donne une idée de la circulation engendrée pour transporter tout cela sur des routes de campagne. Le problème sera le même pour le déplacement des effluents d’élevage. Il s’agit aussi de routes aux dimensions limitées, les dégâts seront donc potentiellement nombreux. Quant à la collectivité, une telle activité routière l’obligera à un fort investissement dans le bitume et à une réparation des voies communales quasiment tous les ans.
Et si nous voyons plus loin que les riverains « directs », nous pouvons aussi signaler que l’installation des fermes-usines dans des périmètres AOP (en l’occurrence le Neuchâtel) feront un mal terrible a l’image des signes de qualité normands.
L’élevage industriel et son impact environnemental
D’un point de vue environnemental, il est dur de savoir par où commencer pour lister l’absurdité que représente ce projet. Tout d’abord il est démontré que l’élevage bovin intensif contribue de manière importante au changement climatique, par les gaz à effet de serre qui sont émis tout au long de la « chaîne de fabrication » : en plus de la digestion des aliments, qui produit évidemment des gaz, les procédés de culture et d’élevage libèrent les gaz précédemment stockés dans le sol et la végétation. Le méthane que le ruminant produit ne peut être compensé qu’à la condition que celui-ci pâture. Le volume et la toxicité considérable du fumier, du lisier et des effluents épandus altèrent durablement les sols et l’eau.
Il a aussi été démontré que l’élevage industriel des bovins nécessite deux fois plus d’énergie fossile que l’élevage en pâturage, non seulement pour élever les animaux, mais aussi pour cultiver les grandes quantités d’aliments nécessaires pour les nourrir. Les gaz à effet de serre libéré pour ce type de structure viennent majoritairement de la production de la nourriture pour nourrir les animaux eux-mêmes.
L’exemple des importations de soja est représentatif du désastre écologique que cela représente. D’après le rapport de Greenpeace à ce sujet en juin dernier : « La France importe chaque année entre 3,5 et 4,2 millions de tonnes de soja. En 2017, 61 % de ce soja provenait du Brésil, qui est donc de très loin notre premier fournisseur, avec plus de 2 millions de tonnes par an. » C’est ce modèle industriel qui est dépendant du soja, causant la déforestation massive de l’Amazonie afin de le cultiver. Plutôt que de pleurer des larmes de crocodiles lorsque nous voyons le poumon de la Terre en proie aux flammes, il est de notre devoir de mettre fin à notre dépendance au soja importé. La fin de l’élevage industriel est une des pierres de cet édifice que nous devons bâtir.
En 2006, l’ONU décrivait déjà l’élevage intensif comme un des plus gros responsables des problèmes environnementaux auxquels nous étions confrontés. 7 900 litres d’eau sont nécessaires pour obtenir 1kg de protéines carnées. L’élevage industriel ravage les forêts, pollue les eaux et dérègle le climat. Ce type de modèle n’est plus possible, nous ne devons plus laisser passer ça.
Ce système de productivité à outrance est un processus du passé, contesté par le monde d’aujourd’hui, coûteux et impossible à rentabiliser. Il s’agit d’un système qui ne peut fonctionner qu’en étant conservé sous perfusion financière mais que va-t-il se passer si la prochaine PAC diminue ses subsides vers les élevages industriels et s’oriente enfin vers un réel changement de modèle ? Qu’adviendra-t-il de la viabilité économique de ce projet pour l’entrepreneur lui-même ?
Comme vous avez pu le comprendre à la lecture de notre contribution, nous sommes opposés à ce projet et nous pensons qu’il n’est pas dans l’intérêt de la collectivité qu’il voit le jour, les conséquences sociales, environnementales et économiques, sont beaucoup trop négatives pour simplement permettre à un entrepreneur de réaliser du profit.
Nous préférons une vingtaine d’élevages laitiers de types familiaux qui pâturent les prairies normandes, qui permettent l’emploi de 40 éleveurs qui occupent, aménagent, créent le bocage et qui seront transmissibles en assurant la souveraineté alimentaire plutôt qu’un élevage industriel non transmissible et délocalisable qui pourraient semer des doutes sur « le vivre ensemble ».
Veuillez agréer, Monsieur le Commissaire enquêteur, nos respectueuses salutations,
Les élus régionaux du groupe Normandie Ecologie-EELV »