Assemblée plénière Région Normandie – 20 novembre 2017 – Intervention de Laetitia Sanchez sur la décision modificative n° 2 de l’exercice 2017 – Budget principal
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Assemblée plénière Région Normandie – 20 novembre 2017

 

Délibération n° 10 : Décision modificative n° 2 de l’exercice 2017 – Budget principal

 

Intervention de Laetitia SANCHEZ, présidente et conseillère régionale Normandie Écologie – EELV

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers,

Les décisions modificatives budgétaires confirment les craintes exprimées lors du vote du budget en février dernier. C’est une politique budgétaire sélective : les grands moyens pour l’attractivité économique et les voyages internationaux ; l’austérité pour les missions environnementales.

Le réseau GRANDDE qui accompagnait les entreprises sur le thème du développement durable a perdu votre soutien il y a un an, et l’on peut craindre sa dissolution à la fin de l’année.

Pour l’AREN, l’Agence de l’Environnement Normande, elle sera dissoute en 2018 au profit de l’Agence Régionale de la Biodiversité.

FNE Normandie est à la peine également. Après avoir revu dix fois son budget et son plan d’actions pour s’adapter aux exigences de la Région, l’association voit baisser sa subvention de 20% et ne pourra donc pas boucler son budget à 45 jours de la fin de l’année.

Les Bases de loisirs normandes de Jumièges en Seine-Maritime et des 3 Lacs dans l’Eure se voient elles privées totalement du soutien de la Région, compromettant leur fonctionnement, alors que ce sont aussi des vecteurs d’attractivité et de rayonnement pour la Région : la Base des 3 Lacs héberge un Centre Régional Jeunesse et Sports, de nombreuses activités de sport nature y sont pratiquées, dans un cadre naturel exceptionnel, à deux pas d’une zone Natura 2000, d’une réserve ornithologique et du site patrimonial de la Côte des 2 Amants. C’est la deuxième destination touristique de l’Eure, après la maison de Claude Monet à Giverny. La base nautique reçoit 1 million de visiteurs en moyenne par an, dont plus des 2/3 hors département. C’est un véritable intérêt régional. Certes, y faire passer une autoroute ruinerait son attrait naturel, si l’on se place du côté du paysage – mais vous compromettez d’ores et déjà son avenir régional en lui retirant les moyens de fonctionner.

Nous ne vous cacherons pas que nous sommes opposés à l’introduction d’un port de 200 anneaux, et d’un complexe hôtelier de luxe pour une clientèle très aisée de parisiens. Ça, ce n’est pas d’intérêt régional, mais uniquement d’intérêt capitalistique, qui nuirait aux locaux, aux Normands.

Maintenant, le mot d’ordre c’est de répondre à des appels à projets : mais comme la nouvelle politique environnementale n’a été votée qu’à l’été, aucun dossier ne pourra être instruit avant la fin de l’année 2017, et les autorisations de programme ne pourront pas être engagées, comme il est écrit à la page 35 du Rapport budgétaire. De belles économies sur le dos de l’environnement, et en fonctionnement et en investissement !

Pour les Parcs naturels régionaux, la Région est évidemment plus contrainte et ne peut pas se retirer de leur gestion, mais les investissements attendus et nécessaires, tels la rénovation de la Maison du Parc à Notre-Dame de Bliquetuit, se font attendre. Au-delà des discours sur la ruralité et le développement durable, les Parcs naturels régionaux sont des lieux concrets de vitalité, de qualité de vie et d’environnement préservé.

Je plaide d’ailleurs, encore, pour que les Boucles de la Seine soient aussi classées dans l’Eure, des boucles de Poses jusqu’au château Gaillard, avec des îles, des oiseaux et un patrimoine naturel et historique remarquables. Car ce que vous appelez dans le jargon technocratique « l’Axe Seine », c’est d’abord un fleuve vivant, un patrimoine humain et naturel d’exception. Le territoire de l’agglomération Seine-Eure ne doit pas être considéré comme un simple réservoir de foncier pour les plateformes logistiques du pôle métropolitain, l’extraction de granulats, et le stockage en remblaiement de carrières, des déchets inertes produits en Normandie ou par les travaux du Grand Paris.

Il y a aussi un autre territoire géologique unique qui pourrait devenir Parc naturel régional : c’est la boutonnière du Pays de Bray, avec son paysage bocager et ses savoir-faire ancestraux, des poteries de Martincamp aux maisons traditionnelles isolées en clin, en passant par son inimitable fromage en forme de cœur.

Voilà des investissements d’avenir pour la Région, bons pour l’environnement, la santé, le climat, la qualité de vie et l’attractivité de notre Région.

À rebours, nos concitoyens acceptent de moins en moins les risques technologiques et les dangers qu’ils font courir à nos santés et à notre environnement. Les nouveaux projets d’incinérateurs, par exemple, sont rejetés par les riverains. Mais la Région Normandie refuse d’inscrire dans son PRPGD la non-ouverture de nouvelles installations, à l’instar de ce qui est inscrit pour les unités de stockage. Au contraire, sous l’influence des industriels de la dépollution regroupés au sein de la FNADE (la Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l’Environnement), la Région prône la valorisation énergétique, autrement dit l’incinération. Via le développement de la filière des CSR, les Combustibles Solides de Récupération. Je cite le projet de Plan présenté lors de la Commission Consultative du 11 septembre dernier.

Une vision gestionnaire des déchets continue de l’emporter sur la prévention et la valorisation matière :

–      mise en place du tri à la source, pour les 5 flux (papier, métal, plastique, verre et bois) ;

–      et pour les bio-déchets, dont la loi sur la transition énergétique impose la collecte séparée généralisée d’ici 2025.

Autre exemple du souci de nos concitoyens pour leur santé, leur sécurité et leur environnement, 80 % des sondés déclarent qu’ils n’accepteraient pas de vivre près d’une centrale nucléaire. Même les pavillons flambants neufs construits par EDF pour les salariés de la centrale du Blayais restent déserts !

Le 17 novembre dernier, vendredi, la Région Normandie est enfin sortie de son ambiguïté sur l’éolien en mer en demandant qu’un avis favorable soit donné au parc de Dieppe-Le Tréport. La France a beaucoup de retard sur l’éolien, et Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du Ministre de la Transition Écologique, l’a dit dans les Hauts-de-France le 10 novembre : « L’éolien offshore est une bonne réponse à notre défi énergétique. On ne peut pas être contre le nucléaire, contre les centrales au gaz et charbon et contre l’éolien. »

Zéro éolienne en mer ne produit de l’électricité en France, malgré les 3500 km de côtes. Des années à causer et ne rien faire, quand nous avons la géographie la plus favorable pour cette énergie. Pendant ce temps-là, vous Monsieur Morin, en bon Normand, vous proposez que la Normandie accueille, en même temps, un deuxième EPR à Penly. Le premier, en Finlande, datant de 2003, est toujours en chantier. Il a coûté des milliards d’euros à la France, et ce n’est pas fini avec le jugement du tribunal d’arbitrage international qui doit bientôt rendre ses conclusions. Hinkley Point, la centrale dans l’Angleterre du brexit connaît ses premiers retards avant d’avoir été lancée, avec des conséquences en milliards d’euros. L’énergie coûtera 115 € le mégawatt/heure, contre 65 € pour l’éolien en mer. Et vous voulez ouvrir un nouvel EPR alors qu’il n’y a aucun retour d’expérience, attendu que, depuis près de 15 ans, aucun EPR n’a produit quelques watt que ce soit ?

Mais il coûte, il nous coûte, aux contribuables, très, trop cher.

À rebours du scénario de transition énergétique de l’ADEME, qui préconise la sobriété et l’efficacité énergétique, vous préconisez au contraire une explosion de la production énergétique. Elle n’est pas là. Et comme vous ne semblez avoir aucune conscience de l’inquiétude de vos concitoyens, vous privez le laboratoire normand de contrôle de la radioactivité, l’ACRO, de ses subventions : alors que c’est ce laboratoire qui, par ses prélèvements, permet de détecter de nombreuses pollutions invisibles mais néanmoins radioactives, comme encore à la Hague il y a quelques semaines.

Pour l’association Nucléopolis par contre, rappelons que la Région a accordé une subvention de 582 396€ en commission permanente le 20 mars dernier ! Qui en sont les adhérents ? Areva, Engie, EDF et EDF Flamanville, entre autres…

Quand les lanceurs d’alerte tirent la sonnette d’alarme, on les ignore, ou pire on les asphyxie.

La peinture verte, c’est joli, quand ça reste du marketing ou un joli titre de Président de Conservatoire. Pour le reste, c’est business as usual, jusqu’à la dernière goutte…

Les algorithmes des marchés qui vous gouvernent ne sont ni humains ni naturels : il est temps de reprendre le contrôle de nos vies sur Terre, car il n’y a pas de Planète B, Monsieur le Président. C’est le rôle que devrait jouer la politique. Nous œuvrons maintenant, ou nous devrions œuvrer pour les générations futures, car nous sommes dans le temps long.