Assemblée plénière Région Normandie – 18 juin 2018 – Intervention de Laetitia Sanchez sur la garantie d’emprunt à la SAS MANOIR INDUSTRIES pour le projet MetalValue Powder
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Assemblée plénière du 18 juin 2018

 

Délibération n° 1 : Garantie d’emprunt à la SAS MANOIR INDUSTRIES pour le projet MetalValue Powder à Pitres (Eure)

 

Intervention de Laetitia SANCHEZ, présidente et conseillère régionale Normandie Écologie – EELV

 

Vous proposez, Monsieur le Président, une garantie d’emprunt de la Région pour le projet MetalValue de Pitres-Le Manoir. Ce projet promu par la Région suscite de nombreuses interrogations locales, notamment sur ses incidences environnementales.

À toutes les étapes du projet, la population a été mise à l’écart, avec une difficulté d’accès aux informations, que ce soit les conclusions de l’enquête publique, le dépôt du permis de construire, l’enregistrement de l’installation classée ICPE.

Pour illustrer mon propos, je me permets d’attirer votre attention sur certaines remarques du commissaire enquêteur : « compte tenu du peu d’informations techniques sur le projet contenues dans le dossier, j’ai dû demander des informations complémentaires, ces informations ne m’ont pas toujours été transmises dans les délais demandés, c’est pourquoi certaines réponses posées n’ont pu être apportées avant la clôture de l’enquête », ou encore : «  Le service urbanisme de la CASE a opposé une fin de non-recevoir à ma demande de renseignements sur le permis de construire » ou bien « il manque des photomontages pris à partir des points de vue remarquables tels que la Côte des 2 Amants ».

Dans la délibération proposée, il est écrit : « Pîtres, centre mondial de production de poudre de métal atomisé au gaz ». Or, aucune unité au monde n’ayant jamais fonctionné pour une telle production, on peut s’étonner que le régime ICPE choisi soit seulement celui de l’enregistrement et non de l’autorisation.

Devant l’inquiétude des habitants, le 29 mai 2017, le projet n’a recueilli que huit voix pour, sept contre et deux absentions sur 19 au conseil municipal de Pîtres, huit voix pour mais à condition que « des garanties soient apportées » notamment sur le plan environnemental. Nous sommes loin de l’adhésion d’une population à ce projet.

Les mêmes inquiétudes ont été exprimées au sein de l’agglomération Seine-Eure quelques jours plus tard avec 18 abstentions et deux votes contre. Alors qu’il était évoqué l’innocuité de l’azote qui compose 78 % de l’air que nous respirons, c’est la question des rejets dans l’environnement de dioxyde d’azote qui est posée. Les NO2 ont des effets nocifs sur le système respiratoire, irritent les yeux, le nez, la gorge et augmentent le risque de crises d’asthme. Il vaut mieux donc installer cette industrie à la campagne, en plein cœur de deux communes, Pîtres et le Manoir, dont les habitants n’en demandaient pas tant.

Au contraire, les habitants et élus demandent la remise aux normes des installations vétustes de la fonderie originelle du Manoir Industries qui serait amenée à monter en capacité. Rien dans le rapport n’évoque ces travaux de mise aux normes environnementales. Bernard Leroy, le président de la CASE, l’a dit : « la DREAL n’a qu’à faire son travail ! »

S’ajoute la non prise en considération totale des modes de transport : la voie ferrée qui relie Alizay et Etrépagny, rénovée entre autres grâce à une subvention de la Région, longe le site mais sera inutilisée et la seconde unité de MetalValue, celle d’utilisation de la poudre, est prévue à Heudebouville à 14 kilomètres, la liaison entre les deux unités se faisant toujours par la route. Là encore, les riverains s’inquiètent du défilé de camions qu’occasionnerait la nouvelle usine, avec le bruit, la pollution, et la dégradation de la route.

Dans ces communes, les habitants vivent dans leur immense majorité en maisons individuelles mais aussi dans des petits immeubles. On peut comprendre qu’ils rejettent massivement l’implantation de cette entreprise dont la plus haute des trois tours culminera à 40 mètres.

On parle d’une startup industrielle, d’un « bijou technologique » comme le dit le président de la CASE : la fabrication de poudre d’acier atomisée au gaz destinée à l’impression 3D. Mais est-ce bien le lieu, quand les riverains le refusent, et que c’est une minorité d’élus qui votent pour ?

Pour ce qui est des emplois, ce ne sont pas des créations : il s’agit en réalité, pour la plupart, d’une relocalisation des emplois de Vallourec, près de Rouen, qui a dû faire face à un large plan social en 2016 face à la crise du secteur pétrolier et aux « pratiques de dumping chinoises » dans la sidérurgie. Et c’est d’ailleurs Alain Honnart, ancien dirigeant de Vallourec pendant 38 ans, qui préside MetalValue.

À la fin, qui dépolluera le site de Vallourec, installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), faisant l’objet d’un PPI pour trois types de risques industriels majeurs définis : le risque incendie, le risque explosion, le risque toxique – quand l’usine sera définitivement fermée ?

Espérons que nous n’allons tout de même pas revivre le syndrome Petroplus. Un cas d’école que nous connaissons tous trop bien, quand les friches industrielles sont laissées à la charge des contribuables des collectivités locales car on ne réutilise pas ces friches industrielles. MetalValue s’installe au centre de communes urbaines où elle permettra notamment de sauver les anciens emplois de Vallourec, mais fera beaucoup d’ombre, cassera le paysage, et risque d’apporter à des riverains qui n’en veulent pas des nuisances sanitaires… Sûrement, la DREAL n’avait qu’à faire son travail.

Sources :

https://www.agglo-seine-eure.fr/file/195391/ (à partir de la page 15) ;

https://www.agglo-seine-eure.fr/Metalvalue-Powder-s-implante-a-Pitres-et-cree-une-centaine-d-emplois_a1661.html ;

https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/seine-maritime/metropole-rouen-normandie/rouen/vallourec-fermeture-du-laminoire-deville-rouen-180-emplois-supprimes-917987.html.