Assemblée plénière – lundi 14 décembre – Intervention de Laetitia Sanchez sur le budget primitif 2021
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Je voulais vraiment mettre en rapport ce dernier budget du mandat avec l’anniversaire de la COP21 et la présentation ce matin du rapport du GIEC normand.

On attend aujourd’hui des actes, plutôt que de simples communications ou des déclarations non suivies des faits. On a vu les alertes du Secrétaire général de l’ONU qui nous pousse à déclarer l’urgence climatique. On a vu la semaine dernière le rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement qui nous pousse à des actions à court terme : les engagements à 2050 sont une chose, mais c’est maintenant qu’il faut agir pour respecter les trajectoires.

Donc il faut vraiment aujourd’hui conditionner nos efforts budgétaires à la transition écologique, et pour l’instant les plans de relance qui brassent des milliards se concentrent sur la sauvegarde de secteurs qui restent intensifs en carbone, on le voit dans la région avec l’aéronautique, l’automobile, la logistique, l’économie basée sur l’import/export qui augmente le solde de nos émissions de gaz à effet de serre.

C’est vraiment méconnaitre notre rôle de chef de file pour le climat, s’en apercevoir au bout de cinq ans et puis promettre qu’on le fera à l’avenir, ce n’est pas à la hauteur de nos responsabilités.

Je voudrais citer ce symbole du chantier d’autoroute de l’A133/A134 – c’est vrai qu’un chantier d’autoroute, c’est bon pour la TVA, c’est bon pour la croissance ; on a vu aujourd’hui que c’était la ressource numéro un dans les recettes budgétaires – est-ce raisonnable de dépenser comme ça dans un mandat plus de 300 millions d’euros de crédits d’investissement sur l’extension des réseaux routiers et autoroutiers, et puis des centaines d’hectares détruits, de pollution de l’air, de l’eau, des sols – ce dont on a parlé ce matin – et des tonnes de CO2 en plus ? Ce sont des choix de société et c’est la responsabilité politique que de les proposer.

Aujourd’hui, on reste sur de la logistique avec des zones d’activités avec des échangeurs, on le voit à Criquebeuf, Heudebouville ou la Haie Tondue, alors qu’on pourrait développer le fret ferroviaire. On a investi, c’était très bien, sur la ligne du sucre entre Pont de l’Arche et Etrépagny, on pourrait relancer la ligne du blé entre Rouen et Orléans plutôt qu’une autoroute, ou la ligne Ferrero par exemple, entre Barentin et Villers-Ecalles, et rejoindre la métropole plutôt que de se délocaliser en bord d’autoroute.

Pour les voyageurs, de la même façon, le service ferroviaire finalement n’a cessé de se dégrader. On propose du matériel là où on voudrait du service, on voudrait des tarifs plus attrayants, on voudrait des arrêts dans les gares, on voudrait un cadencement et une amplitude qui permettraient, l’étude Normandoscopie l’avait prouvé, un véritable moyen de transport du quotidien. Avec un trou de trois heures à Caen l’après-midi et l’impossibilité de rentrer à Rouen après 19 heures, à 56 euros l’aller-retour, ce n’est pas un moyen qui peut remplacer l’automobile pour les particuliers.

De la même façon, on note encore six milliards cette année pour agrandir deux aéroports qui sont distants de 50 kilomètres l’un de l’autre, est-ce bien raisonnable ? Vous avez voté à nouveau ce matin en Commission permanente le soutien au développement des aéroports normands, tout cela va à rebours des efforts qui nous sont demandés aujourd’hui par le GIEC ou l’ONU.

Alors, c’est vrai qu’on note dans le CPER 10 milliards pour le vélo, c’est vrai que depuis le début du mandat, on dit que le vélo, c’est un moyen de transport aussi, ça n’est pas que pour le tourisme. Donc aujourd’hui, on s’en rend compte. C’est vrai que c’est tendance depuis le succès des coronapistes au sortir du confinement, et c’est vrai que le vélo ça ne nécessite pas ensuite d’entretien de matériel, donc c’est un investissement dont on s’aperçoit qu’il est rentable.

Je continue avec les questions énergétiques. Aujourd’hui, on mise beaucoup sur le mirage de l’hydrogène, mais l’hydrogène aujourd’hui, l’ADEME l’a encore dit récemment, il faut le réserver aux véhicules lourds. Pour les véhicules légers, il n’est pas du tout rentable, on est sur des coûts qui sont de 12 à 15 euros le kilo, on est sur des sources à 98% non renouvelables, on est sur des modalités de production qui dégagent beaucoup de carbone avec le CH4. On est sur un coût surtout qui est quatre fois plus important que l’électricité directement injectée dans les batteries des voitures électriques, on a aussi le problème de la platine dans la pile à combustion. On a finalement des sources qui restent essentiellement nucléaires, ou qui visent peut-être à soutenir l’agriculture avec la méthanisation, mais qui en tout cas aujourd’hui coûtent quatre fois plus cher. Est-ce que c’est le rôle de l’argent public de soutenir cette filière qui aujourd’hui – telle qu’elle est développée, avec les stations EAS-HyMob et les parcs particuliers qui ne fonctionnent pas – est un mirage ?

Pour la rénovation thermique des logements, on avait déjà fait le constat la dernière fois, que sur les 1 700 000 logements, on en avait rénové 12 000 sur quatre ans, parce qu’on n’a pas forcément porté politiquement la solution de tiers financements. Il fallait peut-être être plus volontariste sur ce domaine-là.

L’agriculture. On a déjà parlé des inquiétudes qu’on pouvait avoir sur le domaine climatique, elle reste responsable de 20% des émissions de la France. La Normandie, c’est la première région de France agricole, mais c’est également la quatrième pour l’artificialisation des sols. Et la perte de plus de la moitié des prairies au cours des trois dernières décennies, le GIEC a souligné ce matin l’importance du rôle de puits de carbones des prairies…
Et puis on a aussi un modèle d’import/export qui touche le secteur agricole. Qu’on importe de la viande ou du soja, c’est importer aussi de la déforestation. Nous avons soutenu le plan Protéines végétales que vous avez développé, il faut le reconnaître, mais il ne faut pas que ce soit du « En même temps », un peu en soutien à une relocalisation et en même temps, on veut développer l’export et l’import.

Donc pour tout ça, nous proposons une nouvelle fois la mise en place d’une règle d’or climatique pour le budget, qui soit transversale à tous les secteurs, que ce soit l’économie, l’agriculture, les transports, l’aménagement du territoire, l’habitat, les déchets et même l’enseignement. Il faut conditionner nos investissements à des bénéfices en matière environnementale et également sociale.