Assemblée plénière Région Normandie – 6 février 2017 – Intervention de Claude Taleb sur le budget 2017 de la Normandie
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Assemblée plénière Région Normandie – 6 février 2017

 

Délibération n° 5 : Budget Primitif 2017 – Budget principal

 

Intervention de Claude TALEB, conseiller régional Normandie Écologie – EELV

 

Monsieur le Président, chers collègues, mesdames et messieurs,

Nous examinons ce premier budget d’une ère pour laquelle la collectivité régionale dispose de compétences et de moyens et leviers financiers très améliorés. Le soin apporté à sa construction mais aussi à sa délibération en revêt une importance d’autant plus capitale au moment où il n’échappe à personne que beaucoup de nos concitoyens sont pour le moins dubitatifs sur l’efficacité des politiques publiques.

Avant d’évoquer vos choix stratégiques, je souhaite, au nom de mon groupe, vous faire partager nos remarques sur la forme que vous avez choisi de donner à l’organisation de ce débat budgétaire. La présentation par objectifs stratégiques est un choix de lisibilité politique que nous ne pouvons, sur le principe, que saluer. Cette lisibilité serait toutefois renforcée par davantage de précisions, quant à l’allocation des crédits et des engagements. Ceux-ci sont rarement individualisés, groupés dans des lignes qui en assurent la fongibilité et donc un usage flexible, ce qui peut créer de l’insécurité parmi les partenaires, lorsqu’ils ils ne sont pas destinataires d’informations complémentaires – nous en connaissons tous –  d’autant que l’année civile est bien entamée.

En revanche, nous déplorons que vous persistiez dans le refus d’un débat et d’un examen approfondi, dans une assemblée dont il faut vous rappeler qu’elle a vocation délibérative. Nous n’avons donc droit qu’à un seul, ce seul, débat général qui risque donc de le rester très général, fourre-tout, sans laisser de fait la possibilité d’interventions qui se répondent, avant de voter d’un seul vote formel six objectifs stratégiques déclinés dans plus de 400 pages ! Tout le monde se souvient que vous n’aviez pas de mots assez durs durant la campagne de 2015 et au début de cette mandature, pour vilipender le prétendu manque de débats au sein des assemblées précédentes. Chacun peut aujourd’hui constater que votre gouvernance à une prétention, le service des normands, une apparence, la désinvolture, et une réalité, le refus du débat et de la construction collective.

Dans les assemblées qui vous ont précédé et que vous aimez tant détester, le budget primitif était rapporté chapitre par chapitre par chaque vice-président, puis débattu, puis voté par chapitre, avant le vote global. Cet exercice commandait qu’on lui consacre du temps, c’est bien le moins que nous devons à notre si fragile démocratie, mais il permettait de réels moments d’échanges et d’explications entre majorité et opposition.

Puisque nous sommes contraints à tout dire d’un trait… pour ne rien dire qui vous gêne ? Je me tiendrai à quelques remarques sur les perspectives financières de notre collectivité, à propos des chefs de filat régionaux sur le climat, les mobilités, l’économie, l’aménagement du territoire et vous poserai 3 questions qui auraient plus logiquement dû l’être dans un examen des chapitres qui les concernent.

La santé et les perspectives financières de la Région Normandie sont bonnes, nos concitoyens et nos partenaires doivent en être informés, nous pouvons tous nous en réjouir. Cela est entre autres dû aux gestions passées ; le rapport annuel de la Cour des comptes d’octobre dernier soulignait ainsi que nos deux ex-régions figuraient parmi les 6 régions de France qui avaient diminué leurs charges de fonctionnement en 2015. Vous indiquez vous-mêmes dans le document que la baisse des dotations de l’Etat, 31,5 millions, est inférieure de 30 % à la prévision, cela vous permet d’annoncer une prévision d’épargne brute à la hausse pour 2017. Mais surtout, ainsi que cela figure dans les orientations budgétaires sans que vous ayez souhaité y faire trop de publicité, l’effet de l’affectation par l’Etat de 25 points supplémentaires de CVAE pour compenser le transfert des transports départementaux est un gain net. Et l’affectation de la fraction de TVA programmée au 1er janvier 2018 est une bonne nouvelle car cette ressource est très dynamique.

A la suite d’évolutions que vous n’avez pas soutenues, vous vous trouvez donc, Monsieur le Président, à la tête d’une collectivité dont les compétences et les responsabilités ont été substantiellement renforcées alors que ses finances sont consolidées. Vous disposez des outils et des moyens de la réussite, sans pouvoir rejeter une quelconque responsabilité sur vos prédécesseurs, ni même sur l’Etat. Disons le franchement, dans ce contexte, au-delà des têtes de chapitres, on reste sur notre faim à la lecture de votre premier budget pleinement choisi, pleinement maitrisé. Des annonces tonitruantes ne font pas une cohérence politique, nous en avons maintenant la confirmation.

Les Régions sont instituées par la loi comme « chef de file pour le climat ». Cela pourrait nourrir une vision, une approche transversale dans toutes les politiques régionales. Nous en sommes loin. Laëtitia Sanchez l’a expliqué tout à l’heure, le plan Normandie Bâtiments Durables est minimaliste, les aides économiques sont exemptées de critères carbone, le soutien aux stations pour véhicules à hydrogène semble dérisoire dès lors qu’on relance la course aux équipements routiers, alors que par ailleurs la Région n’assume pas un soutien sans ambiguïtés aux énergies du vent mais se contente de dire à leurs promoteurs comme à leurs opposants qu’elle partage leurs points de vue.

L’environnement naturel n’est en règle générale vu que sous l’angle utilitariste : bon pour « l’attractivité et la compétitivité des territoires », en marge d’un axe Seine d’abord dédié à ses fonctions de corridor logistique. Le vélo est assigné à l’économie touristique et n’est même plus un enjeu de déplacement du quotidien pour les trajets entre nos domiciles et nos lieux de travail ou d’études. A aucun endroit la politique environnementale n’est déclinée simplement parce que nous avons un besoin vital de vivre dans des milieux naturels préservés qui font la beauté de notre monde et notre émerveillement quotidien.

Coté mobilités… on recule ou on craint de reculer. Marche arrière toute sur l’objectif d’une plateforme aéroportuaire normande unique qui faisait consensus il y a 10 ans. Contre sens de l’histoire en matière routière puisque vous vous proposez d’en faire plus alors que les Régions ont perdu la clause de compétence générale et ne sont autorisées à intervenir que sur les itinéraires antérieurement contractualisés et sur les « itinéraires régionaux de désenclavement ». Tel n’est, selon nous, le cas ni du contournement routier de Rouen ni des échangeurs routiers de l’A13. Nous entendons sur ces points faire valoir l’intérêt public régional. S’agissant du ferroviaire, vous le savez, nous restons dubitatifs quant à la validité du marché conclu avec SNCF Réseaux. L’avenir dira s’il s’agit, ou non, d’un marché de dupes. Et puis, nous voudrions vous rappeler, car cela n’apparaît pas à la lecture du document, que la majorité des usages du train du quotidien ne sont pas opérés sur Paris-Le Havre ou sur Paris-Cherbourg mais sur les déplacements TER intra régionaux qui semblent si peu mobiliser votre attention.

En matière de soutien à l’économie, le manque de souffle est manifeste. Les interventions nouvelles en soutien direct aux entreprises en difficultés sont conséquentes de la loi NOTRe. Et la suppression des conditionnalités sociales ou environnementales aux aides classiques nous fait craindre le retour aux politiques de guichet qui s’étaient peu à peu estompées depuis 10 ans. En dépit de la création de l’ADN, on peine à distinguer une stratégie. Quelles sont les filières prioritaires en lien avec les nécessités de la transition écologique, de la conversion de notre appareil industriel, de l’accompagnement de la numérisation du tissu des TPE/PME, de la fixation en Région de davantage de postes de travail et d’emplois du tertiaire supérieur ? Dans ce chapitre, le programme 175 dédié à l’économie sociale et solidaire qui finalement reprend l’essentiel des préconisations du Ceser est le seul qui nous semble soutenable, à quelques précisions près sur lesquelles je reviendrai au moment d’examiner la délibération dédiée.

Nous avons voté en décembre en faveur de la « nouvelle politique en faveur des territoires » car elle valorise le travail de fourmi accompli dans les deux ex régions et a été, à juste raison, adaptée à la montée en puissance des EPCI reconfigurés. Nous formons le vœu que cette politique soit équitable et demeure un instrument de solidarité et d’égalité des territoires quand les programmes européens leader permettent de soutenir l’innovation sociale dans les territoires ruraux. Il reste, voilà un exercice pratique, que le sabordage de l’Abordage et les risques induits pour le festival le Rock dans tous ses Etats, à Evreux, figureront comme des tâches indélébiles sur votre début de mandat, Monsieur le Vice-président de la Région, Président de l’agglo et Maire d’Evreux.

J’en finirai avec mes 3 questions.

Il est souligné dans ce document budgétaire, à juste titre, le rôle de nos quatre Parcs naturels régionaux. Vous voulez en faire « des territoires d’expérimentation », ce qu’ils sont déjà en général, des « vitrines du développement durable en Normandie, des acteurs de l’économie locale durable, des supports de transferts d’expériences » et vous avez raison. L’engagement régional auprès des Parcs est important et doit selon nous être consolidé, si on croit vraiment en l’objectif d’aménagement, je devrais dire de ménagement, durable du territoire. Peut-être pouvez-vous nous indiquer, cela n’est pas visible à la lecture du document, si vous prévoyez de mobiliser les crédits d’investissement nécessaires à la mise à niveau de la Maison du Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine Normande, à Notre Dame de Bliquetuit ? Comme vous le savez ces investissements sont rendus nécessaires par l’obligation de mise aux normes électriques et de préservation des collections patrimoniales très conséquentes et appellent au moins des crédits d’étude pour 2017.

Ma seconde question concerne les bases de plein air de Jumièges et de Val-de-Reuil : nous avons relevé le souhait de sortir dès cette année des syndicats mixtes de gestion de ces bases. Peut-être pouvez-vous nous expliquer quel est le plan B qui a votre faveur ?

La troisième question concerne le réseau régional des AMAP. La nouvelle politique agricole de la Région se fait fort d’appuyer la production locale et les circuits courts. La presse régionale soulignait il y a quelques jours le dynamisme de ces associations qui loin d’être un effet de mode passager s’enracinent et se multiplient. Sur les territoires de l’ex Haute-Normandie, les 64 AMAP impliquent 2 300 familles et font vivre 130 producteurs. Le réseau était soutenu par la Région pour ses activités logistiques et d’éducation depuis qu’il avait décidé, il y a quatre ans, de se régionaliser. Ses responsables ont été informés de l’arrêt du soutien de la Région Normandie pour 2017. Pouvez-vous nous dire si des solutions sont envisagées, envisageables ?

Chers collègues, je suis désolé pour cette intervention qui mélange les considérations générales et des questions et des remarques très partielles et peut-être partiales. C’est la rançon du choix de mode de débat, peut-être pourrez-vous faire évoluer cela ?

Mais il nous faut dès lors annoncer la couleur. Vous ne serez pas surpris, au vu de nos remarques, sur la forme choisie et sur le fond, que les élus écologistes n’aient d’autre option qu’un vote contre ce premier budget.