Assemblée plénière Région Normandie – 3 avril 2017 – Intervention de Laëtitia Sanchez sur les orientations régionales pour l’observation et la promotion de la santé
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Assemblée plénière Région Normandie – 3 avril 2017

 

Délibération n° 5 : Orientations régionales pour l’observation et la promotion de la santé


Intervention de Laëtitia SANCHEZ, présidente et conseillère régionale Normandie Écologie – EELV

 

Dans ce rapport, vous identifiez trois enjeux :

1 – observer pour mieux connaître ;

2 – prévenir, agir sur l’environnement, la formation, et améliorer l’accès aux soins ;

3 – investir sur le secteur de la santé.

Comme dans chaque rapport présenté, sur quelque sujet que ce soit… Cela doit devenir un facteur d’attractivité pour le territoire !

Depuis les années que nous observons, il est en effet temps de prendre des mesures pour la santé des Normands.

Les constats sont déjà établis, avec des indicateurs de santé défavorables, qui se traduisent par une surmortalité et une mortalité prématurée supérieure à la moyenne nationale, notamment dans l’Eure et la Seine-Maritime : cancers du sein, des bronches, de la trachée, du poumon. Et même les mélanomes, quand nous ne sommes pas spécifiquement le sud de la France…

Vous avez noté les risques liés aux pesticides et aux perturbateurs endocriniens liés à l’agriculture productiviste, et vous avez noté que ce sont les agriculteurs eux-mêmes, mais aussi leur voisinage, qui en sont les premières victimes. Vous notez au passage la pollution des nappes et des cours d’eau. Là, la solution est vite trouvée : c’est le bio ! Le faire, c’est bien, mais l’eau ferrugineuse, c’est mieux ! En ce cas, il faut mobiliser toutes les aides à l’agriculture en ce sens, pour protéger la ressource et la santé des paysans et des normands.

Nous savons tous ici que les engrais azotés et aussi l’élevage hors sol sont des usines à ammoniac, dégageant 95 % de l’ammoniac disséminé dans l’atmosphère sous forme de Nh3 ou Nh4. Il permet la formation d’aérosols qui vont s’accumuler au-dessus des agglomérations, plus chaudes, et y bloquent toutes les pollutions. Ce ne sont pas que les riverains qui sont touchés, mais toute la population. Et de plus, les retombées ammoniacales participent activement à l’eutrophisation des lacs et des cours d’eau.

Nous savons donc quel modèle agricole il nous faut subventionner pour la santé des Normands. Nous savons lesquels il nous faut éviter. Les papillons et les abeilles vous diront merci. Si, si. En vous offrant les fruits, les légumes et le miel.

Vous faites un autre constat : l’étalement urbain est très important, particulièrement en Seine-Maritime. C’est l’une des causes de l’accroissement des trajets domicile-travail, mais pas que : la vie de famille, les transports scolaires et extra-scolaires, les simples allers-retours pour faire les courses y participent. Avec des trajets multipliés par trois.

Vous notez, comme nous le faisons depuis longtemps, que cela a un impact direct sur la santé individuelle et collective du fait de la pollution.

Quelle solution préconisez-vous ? Des grands projets inutiles, avec des gares en plein champ pour la LNPN. Les usagers, pardon, les clients, seront obligés de se déplacer en voiture pour aller prendre le train ! Pour gagner quelques minutes de trajet, mais qui augmenteront le temps global de transport et la pollution. Le projet n’a de cesse d’être enterré et vous ne cessez de le ressortir, parce que la grande vitesse auréole de gloire ! Si vraiment vous voulez investir dans le fret ferroviaire, faites-le : la ligne Rouen-Évreux-Chartres Orléans permettrait de supprimer le fret routier de céréales vers le 1er port céréalier d’Europe. Oui à la modernisation de la ligne Serqueux-Gisors, et oui à la modernisation des écluses. Mais non à l’approfondissement du chenal après Rouen pour faire y pénétrer des super-panamax.

Quelle solution préconisez-vous pour favoriser les transports collectifs, la marche et le vélo ? L’autoroute A28-A13 bien sûr ! Dans le continument de la RN154 (devra-t-on l’appeler bientôt A154 ?) vers Orléans. C’est-à-dire le schéma de la DATAR des années 50-60 du contournement autoroutier du bassin parisien, à 100 km de Paris, avant que l’idée vous vienne de contourner l’Île-de-France par l’A28 à 200 km. Mais personne n’ose imposer l’obligation aux transporteurs d’emprunter l’autoroute, et vous les laissez saturer les réseaux de départementales.

Quel fret pour les céréales de la Beauce, sinon le fret routier ? Et donc la pollution.

Sincèrement, une autoroute pour lutter contre l’étalement urbain, quand tous les rapports – Ponts et Chaussées, CEREMA, AURBSE, Autorité environnementale, entre autres – prouvent que les autoroutes accroissent l’étalement urbain, bien au-delà des attentes ou des craintes. Sans créer d’emplois, mais en les déplaçant. Vous apportez vos convictions politiques, auxquelles nous opposons les preuves et l’expérience des professionnels du trafic.

Le bilan LOTI de l’A28 constate que l’augmentation de population est de trois à quatre fois la circulation antérieure en cas d’étalement urbain. Générant pollution et saturation.

Vous avez trouvé le dossier sur la périurbanisation qui a été joint à l’enquête publique sur vos pupitres.

Vous nous prenez pour des perdreaux de trois semaines, Monsieur le Président. Nous ne sommes pas farouchement opposés à l’eau ferrugineuse, mais vous savez que les écologistes préconisent la sobriété.

Puisqu’on parle d’eau, avez-vous pensé à la sécurité des habitants ? Des captages prioritaires sont menacés par cette autoroute. Les études hydrogéologiques, et spécifiquement ceux du système karstique n’ont toujours pas été conduites à terme. Nous constatons les énormes bétoires sur le tracé de cette autoroute.

Si vous prenez la responsabilité d’investir l’argent des contribuables normands dans cette autoroute, il faut prioritairement lancer et terminer cette étude sur le système karstique et les relations entre tous les captages du fait des rivières souterraines, dont on sait qu’elles existent, mais dont on ignore précisément où pour le moment. Une pollution sur l’un, et c’est potentiellement l’eau de tous les captages qui est contaminée !

Vous risquez de prendre la responsabilité d’avoir privé les habitants de la métropole de l’accès à l’eau potable.

Cette étude doit être réalisée prioritairement, avant de commencer tous travaux.

Les impacts sur la santé, sur l’agriculture, sur la campagne, sur l’augmentation des pollutions et des aérosols au-dessus des agglomérations, ils sont, et resteront, terribles. 48 000 morts prématurés en France chaque année.

On marche sur la tête ! L’autoroute, gardez-le pour des rapports sur l’économie, l’économie privée, mais pas pour des rapports sur la santé publique !

C’est un zéro sur vingt : hors-sujet. Parce qu’en plus de payer le péage, de payer de leur santé, les Normands vont payer l’infrastructure. Pour des bénéfices allant jusqu’à 34 % – pour les concessionnaires. On roule pour qui ? Le public et l’intérêt général ou les concessionnaires ? En tous cas, pas pour la santé des Normands.

Les autoroutes, c’est plus de trafic, c’est plus de pollution et c’est plus cher. Ce sont les contribuables qui financent. Et c’est autant de moins investi dans des transports moins polluants tels que le ferroviaire et le fluvial.

Dire que l’on finance des autoroutes pour développer la marche, le vélo et le transport collectif, c’est se moquer du monde, non ?

La dernière étude parue du PDU de la métropole démontrait que 60 % des véhicules font un trajet de moins de 6 km, et 40 % pour un trajet de moins de 3 km. L’Autorité environnementale estime également que ces pénétrantes seraient rapidement« rechargées », du seul fait des trafics nouveaux générés par la périurbanisation.

Pour éviter la saturation, il faut investir dans les transports collectifs et alternatifs, et pour la mobilité active, il faut développer des espaces plus sécurisés pour les piétons et les cyclistes. Les voitures devant les écoles, Monsieur Lefrand, ce sont principalement celles des parents des enfants qui les fréquentent, qu’on dépose et qu’on asphyxie, les privant des quelques minutes d’exercice qui leur permettrait de rejoindre leur école à pied ou à vélo. L.OMS préconise cet exercice physique.

      

Quant à parler des déserts médicaux, après des décennies d’alternance ou l’un et l’autre n’ont cessé de fermer et recentraliser les hôpitaux, de ne surtout pas revenir sur le numerus clausus, de rogner sur l’assistance à la personne, sur les remboursements même des transports… Les gens veulent des soins, nous voulons une société moins malade, et vous nous chantez l’arlésienne sur les déserts médicaux, comme vous nous la chantez sur la question du chômage.

Alors vous privilégiez la télémédecine. Pourquoi pas ? La télévoyance a permis des économies d’échelle, et donc plus d’économies et de profits. Mais nous n’avons pas vu comment vous envisagez de maintenir le lien si particulier entre le médecin et son patient, d’une confiance qui s’établit par le contact direct, avec la confiance qui s’impose grâce au secret médical, et à la relation si spéciale grâce au diagnostic physique, les yeux dans les yeux, les mains sur ce qui fait mal.

Vous nous parlez d’attractivité pour la santé, pour faire rayonner la Normandie. Prenons chacun nos responsabilités. Le bilan pour la Normandie est très négatif. Si vous voulez d’un territoire attractif, il faut restaurer la qualité de l’air et protéger celle de l’eau, pour éviter que les Normands ne  soient plus malades que la moyenne nationale.  Et préserver un poumon vert aux portes d’une métropole, car ça c’est un luxe que beaucoup peuvent nous envier.

Les autoroutes génèrent plus de trafic, donc plus de pollution, donc plus de maladies.

Les autoroutes, ce n’est pas la santé, ça n’est qu’une histoire de gros sous !

L’accès à l’eau potable est un enjeu majeur de santé publique. Des centaines de captages ont déjà été fermés, la plupart du temps à cause des nitrates et des pesticides. Il faut éviter d’en perdre plus encore. C’est une responsabilité publique et un enjeu de santé publique. Déclenchez l’étude hydrogéologique sur le système karstique autour du tracé de l’A28-A13. L’eau de la métropole en dépend. Ça c’est une innovation, c’est utile, nécessaire et indispensable, et prioritaire. L’eau, l’air, la santé.

Ces orientations régionales nous semblent donc tout à fait insuffisantes, d’autant plus que vous nous le proposez au vote en même temps que votre nouveau règlement des subventions régionales aux entreprises (AP n° 18), qui sont exemptes de conditions environnementales, ce qui permet à des groupes tels que la cimenterie Calcia de Ranville d’obtenir des autorisations de dépassement de rejets atmosphériques de NO2 ou de SO2 auprès de la préfecture, avec le soutien de l’équipe de Ouistreham menée par votre collègue Romain Bail… Nous pouvions être acteurs de la protection de la santé des Normands… Nous serons au mieux, avec ce texte,  de pâles « investisseurs » comme le titre cette AP, de mesures incohérentes !