Assemblée plénière Région Normandie – 26 juin 2017 – Discours de politique générale de Laëtitia Sanchez
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Assemblée plénière Région Normandie – 26 juin 2017

 

Débat de politique générale

 

Intervention de Laëtitia SANCHEZ, présidente et conseillère régionale Normandie Écologie – EELV

 

J’ai fait campagne dans le sud de l’Eure. J’y ai vu des fermes abandonnées, des prés vides, des centres-villes se vider de leurs habitants et de leurs commerces, des gares désaffectées, des personnes de tous âges sans voiture livrées à elles-mêmes pour se déplacer, des jeunes qui partent pour aller étudier et ne reviennent plus, des femmes actives obligées de prendre des journées de congé pour emmener leurs parents en rendez-vous médical ou au marché.

J’ai vécu concrètement la réalité d’un département privé d’interconnexion avec ses voisins normands. La gare fermée à Saint-André de l’Eure ; une gare fantôme à Verneuil sur Avre sur la ligne Paris-Granville ; et puis Évreux, reliée à Paris et Caen, avec un trou de 3 heures l’après-midi et pas de train le soir, Évreux où l’on croise tous les jours des personnes venant de Rouen pour travailler ou qui vont travailler à Rouen : ce sont 10.000 déplacements par jours entre les 2 villes en passant par l’agglomération Seine-Eure, et là pas de train !

Les Régions ont un rôle crucial à jouer dans la transition écologique et solidaire. Comme autorité organisatrice des transports, comme chef de file pour le Climat, comme responsable de la mise en place du SRADDET : il faut s’emparer de manière volontaire de cette question des transports, pour sortir du modèle du tout-routier qui dérègle le climat, pollue l’air, et condamne nos concitoyens à se débrouiller par eux-mêmes – quand ils en ont les moyens.

Réouvrir une ligne de train voyageurs entre Évreux et Rouen doit être une priorité pour la transition écologique, solidaire, et l’égalité des territoires.

Nous avions obtenu du Président Le Vern une étude de faisabilité en 2008, juste avant que le projet sarkozyste de LGV normande ne vienne balayer tout projet de trains du quotidien.

La Cour des Comptes remet aujourd’hui en cause le modèle TGV : il est ruineux pour les finances publiques et la SNCF, et il nous prive des trains du quotidien qui étaient un fleuron français jusque dans les années 60 – avant que les années Pompidou ne poussent les Français à s’endetter pour se véhiculer eux-mêmes, pour la croissance de l’industrie automobile, la promotion des grandes surfaces, et l’étalement urbain, toujours plus loin des centres-villes.

Rendez-nous des villes et des villages apaisés, des places publiques vivantes. Ne faisons pas de la France une grande galerie commerciale où l’espace public est privatisé, où les terres agricoles sont remplacées par des parkings, des rocades, des zones d’activités bientôt transformées en friche quand une nouvelle apparaît près du nouvel échangeur qui a poussé quelques kilomètres plus loin.

La France que nous aimons, celles que les touristes du monde entier nous envient, c’est la France des terroirs, des places publics, pas la France « moche » des entrées de villes publicitaires, des rocades et des parkings.

Depuis 2015, entre 50.000 et 60.000 hectares de terres par an ont été artificialisées en France. M. Hyest que nous connaissons bien en Normandie, a tiré la sonnette d’alarme avec la Fédération nationale des SAFER : à ce rythme-là nous perdrons l’équivalent de la surface d’un département français tous les 5 à 6 ans !

Il faut un moratoire sur l’étalement urbain et l’artificialisation des terres. Il faut préserver pour l’avenir nos terres agricoles, nos espaces naturels, redensifier nos villes, avec des transports et des activités de proximité.

En matière de transports, il faut travailler sur les correspondances entre les différents modes de transports, l’intermodalité, avec le vélo notamment, que l’on doit pouvoir mettre derrière les bus et dans les trains, stationner en sécurité dans les gares et relier à des infrastructures cyclables accessibles et sûres. Le succès touristique de la Loire à vélo par exemple passe par le Train Vélo Loire mis en place par les Régions Centre et Pays de la Loire depuis 2011.

L’efficacité d’un modèle de transport, comme celui de la Suisse par exemple, passe aussi par un travail sur les grilles horaires : supprimer la distinction scolaire/hors-scolaire, garder un cadencement à horaire régulier toute l’année. C’est quand les transports collectifs sont commodes et simples à utiliser qu’on les rend attrayants. Essayez de prendre le bus à Evreux, et on en reparlera ensuite !

Pour le fret, si nous soutenons les investissements sur la ligne Serqueux-Gisors, pour améliorer le fret ferroviaire du port du Havre, nous plaidons aussi pour une réouverture de la ligne Rouen-Orléans, qui permettrait au port de Rouen de retrouver de la compétitivité par rapport à ses voisins européens. Eux ont bien compris qu’il fallait réduire la part routière : la vertu écologique est aussi une plus-value économique, c’est pourquoi il faut l’inscrire avec les clauses sociales dans tous nos marchés, si l’on veut exister dans un monde moderne fragile et exigeant. Ce n’est pas en doublant les routes à Nonancourt ou en mettant en concession l’A154 que l’on encouragera le transfert modal et la transition écologique.

Les Chinois l’ont compris, qui accélèrent leur mutation énergétique de façon massive. Dans le même temps, Trump se fait ringardiser par les plus grands chefs d’entreprises américains en voulant ignorer la question climatique. L’Europe doit jouer un rôle moteur dans le monde comme modèle pour la transition écologique. Les collectivités locales, les régions, les métropoles, doivent s’emparer de cet enjeu.

Une région chef de file sur la question du climat et une métropole engagée sur un agenda 21 du climat doivent commencer par décréter un moratoire sur l’étalement urbain, qui provoque l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et réduit les puits de carbone que sont les espaces naturels et agricoles.

Pour finir avec la campagne des législatives qui vient de s’achever, les associations environnementales opposées à la liaison A28-A13 ont auditionné le vendredi 26 mai dernier tous les candidats de la 4ème circonscription de l’Eure, sur le territoire de l’agglomération Seine-Eure.

Hormis M. Priollaud qui a décliné l’invitation et M. Jacquet pour le PS qui se sont prononcés pour la liaison A28-A13, l’ensemble des autres candidats s’est positionné contre, de la France Insoumise au Front National en passant par les écologistes et le candidat En Marche. Vous retrouverez l’ensemble de leurs interventions en ligne, et je cite pour finir M. Questel, le nouveau député de la 4ème circonscription de l’Eure, qui propose de remettre à plat ce dossier d’autoroute avec le nouveau ministre de l’Écologie, Nicolas Hulot, et qui, reprenant la position des écologistes, plaide pour un contournement ouest de Rouen, pragmatique et beaucoup moins coûteux.

La transition écologique est-elle en marche ? Nous voulons dire chiche ! Nous verrons si M. Macron saura résister aux sirènes des lobbies. Sur le dossier des autoroutes, son rôle à Bercy avait plutôt été dans le sens de l’intérêt des concessionnaires – et nous attendons toujours avec Raymond Avrillier que soient communiqués les nouveaux contrats de concessions signés par l’État en 2016.

Intérêt général contre intérêts privés : c’est une course contre la montre – course aux profits pour les uns, course pour la survie climatique de l’autre côté.

Comment la France, l’Europe, la Région, la métropole normande, se positionneront-elles dans ce match vital ?