Assemblée plénière Région Normandie – 18 juin 2018 – Intervention de Laetitia Sanchez sur la décision modificative n° 1 de l’exercice 2018 – Budget principal
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Assemblée plénière du 18 juin 2018

 

Délibération n° 14 : Décision Modificative n°1 de l’exercice 2018 de la Région Normandie-Budget Principal

 

Intervention de Laetitia SANCHEZ, présidente et conseillère régionale Normandie Écologie – EELV

 

Décisions modificatives : toujours le même fourre-tout stratégique.

Je voudrais commenter un point de l’objectif III mission 4 avec le programme 325 « Développer le réseau routier », qui comporte notamment page 60 un projet qui nous avait alerté dans votre discours lors de la plénière de février dernier : le projet de demi-diffuseur de la Haie Tondue, avec une autorisation de programme de 1,5 millions d’euros.

Tout d’abord, nous ne comprenons pas que les contribuables normands aident à financer la très lucrative SAPN. Cet échangeur prétend créer un raccourci, censé drainer le flux de véhicules qui empruntent la D579, une route droite avec voies de doublement, marquages, terre-plein central et barrières de sécurité, vers la D45 et la D16, des petites routes de campagne au milieu des hameaux.

Et nous sommes beaucoup plus inquiets sur le devenir des terres agricoles situées à proximité de l’échangeur. Les échangeurs autoroutiers sont des zones privilégiées pour les zones d’activités.

Or, un document de l’Agence d’urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine sur les zones d’activités prévoit depuis 2008 l’échangeur et le potentiel de développement d’une zone d’activités à la Haie Tondue entre 30 et 50 hectares. Le projet initial était d’en faire une véritable autoroute des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication). Mais celles-ci nécessitent du débit, du très gros débit. De la bande passante et aussi beaucoup d’énergie. Et nous sommes là en pleine zone rurale. Demandez-vous pourquoi les plus gros data centers d’Europe ont choisi Val-de-Reuil et non la Haie Tondue. Est-ce pour relocaliser l’emploi des villes en zone rurale, ou bien était-ce pour attirer des entreprises logistiques étrangères qui bénéficieraient de la défiscalisation permise par la création de votre Zone Économique Spéciale, qui tombe aujourd’hui à l’eau comme nous le verrons tout à l’heure ?

Nous savons aussi que le terrain à bâtir coûte 20 fois plus cher que le terrain agricole. Ne craignez-vous pas d’encourager une spéculation foncière ? Sébastien Lecornu, qui n’est pas spécialement écologiste, mais est néanmoins secrétaire d’État à la transition écologique, alertait il y a quelques jours, en déplacement dans l’Eure après les graves inondations du Sud du département : « Les mêmes crues il y a 30 ou 40 ans ne produisaient pas les mêmes effets. Il y a le dérèglement climatique qui est en cause mais il y a un autre mal, c’est l’artificialisation des terres. » Et le 31 mai dernier, lors de la publication du cru 2017 des marchés fonciers ruraux, la FNSAFER (Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), présidée par Monsieur Hyest, qui n’est pas précisément un écologiste lui non plus, a tiré la sonnette d’alarme sur ce thème de l’artificialisation des sols. Elle a augmenté de 24 %, avec en même temps une financiarisation du foncier, avec une part des sociétés dans les acquisitions de terres agricoles qui a plus que doublé.

Dans un rapport remis au Gouvernement en décembre 2017, l’Inra établit que l’artificialisation des sols vient d’atteindre 9,3 % du territoire français. Entre 2006 et 2014, la France a ainsi perdu 490 000 hectares de terres agricoles. Ces surfaces absorbaient les eaux de pluies. Elles ne peuvent plus le faire, au rythme effréné de 55 000 hectares artificialisés chaque année.

Dans cette artificialisation des sols, le foncier économique (entreprises, entrepôts, commerces) couvre 30 % des surfaces artificialisées et entraîne une augmentation des surfaces imperméabilisées plus rapide que celle des usages résidentiels. Les surfaces artificialisées dédiées aux infrastructures de transport représentent également 30 % des surfaces artificialisées françaises. Tout cela au détriment d’une agriculture de proximité et de qualité, et d’une ruralité qui disparaît sous le bitume.

Sources :

https://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServer?pagename=Territoires/Articles/Articles&cid=1250281165847 ;

https://www.politis.fr/articles/2018/06/comment-la-betonisation-provoque-des-inondations-38942/.