Assemblée plénière Région Normandie – 16 octobre 2017 – Intervention de Claude Taleb sur les Itinéraires Routiers d’Intérêt Régional : critères, cartographie et contractualisation avec les départements
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Assemblée plénière Région Normandie – 16 octobre 2017

 

Délibération n° 4 : Itinéraires Routiers d’Intérêt Régional : critères, cartographie et contractualisation avec les départements pour le cofinancement d’opérations routières

Intervention de Claude TALEB, conseiller régional Normandie Écologie – EELV

 

Monsieur le Président,
Chers collègues,

Les écologistes voteront contre cette délibération car nous en désapprouvons et en contestons autant le fond que l’opportunité.

S’agissant du fond, je partagerai 3 objections :

  • Le financement d’infrastructures routières, et a fortitori celui d’autoroutes concédées ou de voiries locales, ne figure pas dans la liste des compétences que la loi NOTRe attribue aux régions. Les régions ne peuvent désormais concourir à ces investissements que lorsqu’ils figurent dans des programmations contractualisées avec l’État ou lorsque les infrastructures bénéficiaires sont dûment identifiées dans le nouveau et futur schéma régional d’aménagement durable des territoires , le SRADDET, institué par cette même loi NOTRe. Ce travail reste à faire.
  • En effet, c’est la seconde objection, il n’est pas raisonnable de considérer que la carte produite en annexe de la délibération qui nous est aujourd’hui proposée peut en faire figure puisqu’elle se réduit à une photographie copiée-collée de toutes les axes routiers sous compétence départementale ou État, existant ou en projet. On peut concevoir que la loi fut
    mal faite pour permettre ce type d’interprétation, mais alors il faut changer la loi. Dans l’attente de l’action du législateur, nous sommes fondés à estimer qu’en approuvant cette délibération on prendrait le risque de se livrer à une forme de détournement de l’esprit de la loi pour rétablir une compétence régionale pleine et entière que celle-ci, dans un souci de
    clarification, avait convenu d’écarter. Et puis vous me permettrez d’imaginer qu’en agissant ainsi et en donnant à voir un champ de possibilités illimité, vous prenez le parti de cette approche politique vintage qui consiste à ne froisser personne, ni les élus locaux, ni les entrepreneurs intéressés, ni les citoyens, et à leur faire croire que notre prospérité collective dépend de l’extension du domaine illimité des routes. Et qu’ils peuvent ainsi encore entretenir quelques années la flamme de réalisations dont les plus lucides savent très bien qu’elles sont écologiquement insoutenables et budgétairement inassumables.
  • La troisième objection de fond concerne la définition très élargie qui nous est proposée puisque vous distinguez deux types d’itinéraires d’intérêt régional dont « des itinéraires dont l’aménagement permettra des reports de trafic vers des itinéraires structurants », ce qui revient à ouvrir au maximum le parapluie des interprétations les plus diverses et les plus
    favorables aux adorateurs du macadam. J’y reviendrai brièvement.

Mais l’opportunité de cette délibération est également très contestable.

  • L’adoption d’une carte des itinéraires régionaux en amont et hors de l’approche globale du SRADDET est à déplorer compte tenu des forts impacts de ces choix. Elle fait peu de cas de l’approche stratégique de durabilité qui a été souhaitée par le législateur. Il nous semble particulièrement régressif de tracer des infrastructures destinées à augmenter le trafic routier hors de toute mesure d’impacts et de toute référence aux objectifs collectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de particules polluantes et hors de toute stratégie de préservation de la biodiversité, des espaces agricoles et des espaces naturels et forestiers, comme de la ressource en eau. Également hors de toute approche de soutenabilité et de maitrise budgétaire et financière, dont votre majorité et son candidat à la présidence de la République s’est pourtant faite le porte voix durant la première moitié de l’année
  • Un point positif néanmoins. Nous voyons dans cette délibération la volonté de réparer une erreur de méthode. Comme vous le savez, agissant au nom du groupe écologiste, j’ai saisi le tribunal administratif de Caen d’une requête d’annulation de la subvention accordée le 15 décembre 2016 à la SAPN pour la réalisation du demi échangeur d’Heudebouville. A cela
    plusieurs motifs, au fond, mais aussi sur la forme, puisque nous contestons que vous ayez attribué cette subvention hors de l’identification d’itinéraires régionaux qui devra intervenir dans le cadre du SRADDET. Nous prenons acte aujourd’hui, avec la présentation de cette délibération, que vous reconnaissez le bien fondé de notre contestation, au moins sur la forme.

Vous me permettrez de conclure cette intervention, pour l’information des collègues, en disant deux mots sur ce contentieux en attente de jugement.

Nous plaidons l’incompétence de la région à financer la réalisation du demi échangeur d’autoroute d’Heudebouville, sur l’A13, car il ne relève en rien de l’intérêt public régional. J’ajouterai, au vu de la délibération que vous nous proposez qu’il ne peut pas non plus entrer dans la catégorie des travaux « permettant un report vers un itinéraire structurant », au sens ou vous l’entendez dans cette délibération.

En effet, vous ne pouvez ignorer à ce sujet, le récent avis de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’Arafer, dont l’autorité a été étendue depuis 2016 au secteur autoroutier concédé et qui exerce notamment, depuis lors, la régulation des tarifs de péage et le contrôle des procédures de passation et d’exécution des marchés de travaux.

Dans cet avis rendu le 14 juin 2017, au sujet du demi échangeur d’Heudebouville, l’Arafer souligne « que la création de ce semi échangeur viserait uniquement à diminuer la congestion de la voirie locale » , et que, « l’opération envisagée ne semblant pas présenter d’incidence significative positive sur l’exploitation de l’autoroute concernée » il convient « d’écarter la participation des usagers à son financement ». Un constat qui me semble clairement démentir la thèse suivant laquelle il s’agirait d’une opération d’intérêt régional mais qu’on est en présence d’un aménagement de voirie locale. Quant à co-financer un bout de voirie d’autoroute concédée à une société extrêmement profitable, il vous restera à justifier l’injustifiable : qu’il appartient au citoyen contribuable de financer une opération dont l’Arafer estime qu’elle ne vaut même pas d’être prise en compte dans le calcul de la charge, du péage, acquitté par les clients de la SAPN.