Assemblée plénière Région Normandie – 16 octobre 2017 – Discours de politique générale de Laetitia Sanchez
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Assemblée plénière Région Normandie – 16 octobre 2017

 

Débat de politique générale

 

Intervention de Laetitia SANCHEZ, présidente et conseillère régionale Normandie Écologie – EELV

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers,

Depuis 1851 dans l’Atlantique, de tous les impacts d’ouragans de catégorie 5 sur des terres, 1/4 se sont produits en cette année 2017. Ouragans, incendies géants : les catastrophes climatiques se multiplient, il n’y a plus que Monsieur Trump qui ose nier l’évidence du changement climatique ! Plus vous Monsieur Morin : nous entendons votre discours sur le climat. Aux actes !

Vous soutenez, Monsieur Le Président, un rôle et une responsabilité accrus des Régions.

Vous l’avez fait en reprenant la gouvernance des lignes intercités ; vous le faites en participant à la rénovation de lignes ferroviaires. Vous proposez même que la région reprenne la gestion des ports normands.

Nous pouvons partager cette volonté décentralisatrice, en accordant plus de responsabilités aux nouvelles grandes régions. Encore faut-il que cela s’accompagne de ressources en adéquation avec les enjeux, notamment la responsabilité climatique qui incombe aujourd’hui aux Régions.

C’est le sens de la proposition qu’ont fait les écologistes et leur fédération à l’occasion du dernier Congrès des Régions de France, à savoir que les territoires puissent recevoir une part de la Contribution Climat Énergie (CCE), pour associer les moyens aux responsabilités qu’ils ont.

« Nous demandons au Premier ministre d’intégrer dès la prochaine loi de finance une modulation de la CCE dédiée aux Régions et aux intercommunalités, et soutenons les propositions portées par Régions de France et AMORCE : 5 euros par habitants pour les Régions, 10 euros pour les intercommunalités  ».

Alors que viennent de débuter les Assises de la mobilité, le sujet du transport par rail des marchandises, comme celui d’une éco-redevance sur les poids-lourds, reviennent sur le devant de la scène. Ces deux sujets sont à notre sens incontournables pour tendre vers une politique des transports plus écologique.

Le potentiel captable par le mode ferroviaire est très important, compte-tenu notamment d’un réseau ferroviaire d’une grande finesse qui irrigue le territoire, rentrant jusque dans la cour des usines. Dans l’agglomération caennaise, non loin d’ici, des embranchements fret actuellement inutilisés desservent les zones industrielles de Cormelles ou encore Blainville sur Orne. De nombreux trafics (ferrailles, granulats, boissons, produits métallurgiques, déchets…) peuvent être reportés sur les wagons.

Vous investissez pour la rénovation de la ligne Pont de l’Arche-Etrépagny : nous vous soutenons dans cette décision, qui pourra désenclaver la fameuse vallée de l’Andelle, sans nécessiter de nouvelle autoroute payante, que de toutes façons les poids-lourds shuntent.

En 2011, une étude avait été commandée sur les potentialités d’une réouverture du transport voyageurs sur cette ligne : il serait très utile de ressortir cette étude.

Pour les foyers qui ne disposent pas de véhicule personnel, vivre à la campagne ou dans une petite ville, c’est souvent être assigné à résidence, si l’on n’a pas les transports publics. Je l’ai vu dans le sud de l’Eure aussi, partout où les gares ont été fermées.

Pour finir avec le fret ferroviaire, il y a en Seine Maritime une autre ligne qu’il serait très opportun de réinvestir plutôt que de la déclasser en voie verte, car elle dessert l’usine Ferrero, entre le bord à quai de Yainville et Villers-Escalles.

J’attends enfin avec impatience les résultats de l’étude sur la ligne Rouen-Évreux-Orléans. Et ceci sans attendre 2050 (autrement dit jamais !) pour une deuxième phase de LNPN qui concernerait l’Eure.

Notre région Normandie voit un trafic considérable de poids-lourds ne faisant que transiter. Ces ballets ininterrompus de camions, étrangers pour beaucoup, génèrent de nombreuses nuisances (bruit, pollutions, contribution au dérèglement climatique, insécurité routière…) et n’apportent que peu d’activités pour le territoire.

Une éco-redevance s’impose, qui permettrait de limiter ces circulations, inciterait le report modal vers le rail et le fluvial, et dont les recettes peuvent servir à financer les modes alternatifs.

Je voudrais évoquer également les contrats de transition écologique et solidaire de territoire, portés par le Ministère de la Transition écologique et Solidaire, car les Régions ont vocation à pleinement y contribuer et à en être les partenaires principaux.

Elles ont la connaissance et la pratique du pilotage de l’action au plus près des territoires. « Nous proposons que la prochaine génération de Contrats de Plan État Région (CPER) soit 100% écologique et solidaire. D’ici là, l’État et les Régions peuvent d’ores et déjà commencer une phase expérimentale qui préfigurera les prochains CPER ».

Et c’est là, même si nous pouvons partager votre vision décentralisatrice, Monsieur Le Président, que des contradictions nous alertent.

Comment assumer la responsabilité de chef de file pour le Climat, qui doit guider la mise en place du futur SRADDET, et réclamer dans le même temps à l’État une autoroute qui augmentera les émissions de CO2, pèsera sur les finances publiques régionales pour l’investissement, alors que vous annoncez que c’est d’intérêt européen, pour le seul transport routier ? Quand les ports européens concurrents d’HAROPA ont investi avec intelligence dans le fluvial et le ferré, et nous prennent notre marché.

Ne pas le prendre en compte est dangereux pour notre économie, malgré l’atout exceptionnel du fleuve Seine. Et c’est dangereux pour l’environnement, et dangereux pour les finances, tant en investissement qu’en risque sur le fonctionnement.

Pour l’autoroute, c’est potentiellement 10 millions de fonctionnement € par an – si les trafics annoncés ne sont pas à la hauteur des attentes du concessionnaire.

On a portant lu dans le dossier du Débat public de 2005 : «La mise à péage du contournement Est aurait pour effet direct de diminuer son attractivité et donc de réduire ses effets : Environ 40 % du trafic de transit qui aurait emprunté le contournement gratuit n’emprunterait pas un contournement payant. »

Qui paierait cette subvention de fonctionnement ? La région, qui investit alors qu’elle ne dispose pas de la compétence sur les autoroutes – ou les collectivités territoriales, dont le département de l’Eure ?

Autoroutes, intercités, TER et LGV, ports, aéroports, la Région, Normande mais néanmoins girondine, reprend en main toutes ses infrastructures. Attention à ce que cette tendance girondine ne devienne trop catalane !

Ce girondinisme ne vous empêche pas de demander à l’État de fabriquer un second EPR en Normandie – un deuxième EPR qui achèvera de ruiner des finances qui devraient être consacrées aux énergies renouvelables, et aux économies d’énergie !

Comment peut-on réclamer un deuxième EPR, quand ce programme est le fiasco industriel, économique et écologique que tout le monde connaît ?

Ce programme a ruiné Areva, et contribué à l’affaissement des finances publiques. Il ruinera les finances qui devraient être consacrées aux énergies renouvelables et aux économies d’énergie – au moment où EDF admet que l’électricité produite par l’industrie nucléaire n’est plus compétitive avec l’électricité produite par les renouvelables.

Tout juste le serait-elle avec les énergies fossiles. Mais pas celle produite par l’EPR, de loin la plus chère du marché ! Les années de retard et les surcoûts devraient vous alerter sur cette filière. Le nucléaire, c’est fini, c’est le passé.

Les risques financiers pour les finances publiques, les risques industriels et écologiques doivent vous faire renoncer à réclamer un nouvel EPR, et même à renoncer au premier : quand aucun réacteur n’a démarré, que nous n’avons aucun retour d’expérience, et qu’Hinkley Point C subit de nouveaux surcoûts, faisant douter de sa rentabilité, qui pourrait alourdir la facture des consommateurs de 34 milliards € sur 35 ans, avec un prix garanti de 105 € le MW/h : 3 fois supérieur aux prix du marché actuel ! Le double de l’éolien.

La perte subie par Olkiluoto en Finlande sera de 5,9 Mds €. Sans compter la décision qui sera prise par le tribunal arbitral en fin d’année.

Enfin, l’ASN a alerté des défauts des éléments les plus sensibles du réacteur de Flamanville, demandant le remplacement du couvercle de la cuve du réacteur en 2024. Parce que Areva n’est pas capable de fabriquer ce couvercle avant cette date, il qu’il est impossible de remplacer le fond de cuve, qui souffre des mêmes défauts, mais qui est définitivement scellé.

Soutenons enfin les laboratoires de surveillance de la radioactivité, comme l’ACRO, qui a permis de révéler la pollution dans les champs et les herbages entourant l’usine de la Hague, amenant Areva à proposer de retirer la terre polluée.

Investissons plutôt dans les énergies du futur, toujours moins chères, et non plus dans une énergie du passé, ruineuse et dangereuse, qui produit les déchets les plus dangereux du monde, dont nous ne savons que faire pour des temps qui dépassent même notre Histoire.

Il est temps de sortir du nucléaire, et tout au moins de respecter la loi qui limitera le nucléaire à 50% à l’horizon 2025, comme l’assure le gouvernement.

Vous êtes pour la plupart très pro-nucléaires. C’est l’énergie et l’industrie du passé. Même s’il y a un avenir très lointain dans le traitement des déchets.

Cela ne nous interdit pas d’investir dans le futur : Notre région est en retard sur les énergies renouvelables, notamment la production solaire, qui ne représente que 0,5% de la consommation régionale. Elles coûtent tellement moins cher !

Prenons l’exemple de la région Nouvelle Aquitaine, qui a créé un fonds d’investissement EnR « Terra Énergies » qui permet d’abonder en fonds propres pour les porteurs de projets qui ont des difficultés à financer leur projet, la région étant présente à hauteur de 49% du fonds. C’est un succès, et beaucoup de partenaires participent !

D’autres régions, comme les Pays de la Loire, emboîtent le pas à la Nouvelle Aquitaine sur le volet de l’électricité en autoconsommation, avec un volet stockage – qu’il est important de développer, avec la question des intermittences de production des EnR, si nous voulons atteindre le 100% renouvelables.

Depuis septembre, la Région Nouvelle Aquitaine a  en outre obtenu l’accrédition pour un dispositif de rénovation globale du logement à destination des particuliers avec tiers financement.

La décentralisation ne doit pas être une mise en concurrence des égoïsmes régionaux, Canal Seine Nord contre autoroute, intercités et TER contre LGV : inspirons-nous de ce qui fonctionne déjà dans les autres Régions, dans une dynamique de coopération plutôt que de concurrence.

C’est ce qui fera la robustesse de nos Régions, économique, environnementale, et sociale. La place de la Normandie se situe dans le futur, investissant dans les énergies renouvelables, les transports moins carbonés – le rail, le train, les transports publics –, tournée vers nos territoires et la coopération avec nos voisins, mais aussi l’international et Paris grâce à nos ports. Et non figée dans le passé, le nucléaire et le transport routier international en transit.