Assemblée plénière Région Normandie – 15 octobre 2018 – Intervention de Laetitia Sanchez sur l’approbation du Plan régional de prévention et de gestion des déchets de la Normandie (PRPGD)
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Assemblée plénière Région Normandie – 15 octobre 2018

 

Délibération n°  9 : Approbation du Plan régional de prévention et de gestion des déchets de la Normandie (PRPGD) et de son rapport environnemental

 

Intervention de Laetitia SANCHEZ, présidente et conseillère régionale Normandie Écologie – EELV

 

Le Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) de la Région Normandie a reçu un avis négatif de la commission d’enquête publique, qui a estimé qu’il s’agissait d’un « catalogue de bonnes pratiques » sans engagements précis ni actions concrètes.

Au cœur de l’été, le Président de la Région Normandie, que l’on connaît habituellement prompt à communiquer, s’est bien gardé de commenter l’avis sévèrement défavorable délivré par cette commission d’enquête, sur le projet normand de Plan de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD).

Pourtant, avec d’autres, le groupe Normandie Écologie – EELV avait alerté à plusieurs reprises, en commissions et en séances, sur le manque d’ambition et de planification du PRPGD.

Nous n’avions pas pu alors intégrer d’amendements, allant par exemple dans le sens d’un meilleur tri de tous les déchets, permettant des valorisations matière de qualité, pour les différents matériaux et pour les biodéchets compostables.

Nous n’avions pas pu non plus obtenir de garanties sur la non-ouverture de nouvelles unités d’incinération. Le même flou était demeuré sur le stockage des déchets inertes, avec l’importation prévue de quatre millions de tonnes de déchets des travaux du Grand Paris sur la période 2016-2030.

Même chose pour les déchets dangereux, les déchets à radioactivité naturelle renforcée, les terres polluées aux hydrocarbures, les sédiments de dragage, ou encore le report modal pour le transport des déchets : l’imprécision règne, illustrant une absence manifeste de volonté de planification.

Ce qu’on note, c’est que les objectifs 2020 de 55% de valorisation matière, ou de réduction de 30% de stockage des DNDNI ne pourront être atteints (pages 125-126 du plan). Seul l’objectif de 70% de « valorisation matière » (entre guillemets) des déchets du BTP serait atteint, grâce aux carrières qui les accueillent, avec ceux du Grand Paris, après qu’on les ait creusées pour l’exploitation des granulats.

Pour le reste, nous ne notons aucun changement substantiel dans ce plan par rapport au projet de plan qui a été examiné en commission consultative et lors de la plénière de juin 2017.

Et si Hubert Dejean de la Bâtie a voulu nous faire croire en commission qu’il avait par exemple inscrit notre demande de non-ouverture de nouvelles unités d’incinération, quand je suis retournée cette semaine dans le détail des 176 pages du plan, ce que j’ai lu est sensiblement différent : il s’agit en réalité (page 127) d’aucun incinérateur « ne pratiquant de valorisation énergétique ». C’est se moquer, pour ne pas dire pire, car qui imagine aujourd’hui construire de vieux modèles d’incinérateurs qui ne seraient pas équipés pour la valorisation énergétique ? Il ne reste que celui de Colombelles cité page 95, et qui a entrepris des travaux pour se mettre aux normes.

Par contre, ce qu’on lit un peu plus loin page 137 du chapitre 3.5.2.3. des « installations qu’il paraît nécessaire de créer, d’adapter ou de fermer », c’est « la création de nouvelles unités dédiées de valorisation énergétique », en prônant le développement de la filière des combustibles de récupération – à partir des refus de tri de la collecte sélective ou des unités de TMB, du tout-venant des déchèteries ou des déchets résiduels des activités économiques.

Nous demeurons très inquiets sur la volonté de réduire et de trier les déchets à la source, quand on pousse au développement d’une filière qui produira de l’énergie à partir des déchets.

Nous rappelons à ce titre notre contribution à l’enquête publique, qui soulignait par exemple que « les combustibles solides de récupération pour la « valorisation énergétique » produits à partir des ordures ménagères en mélange ne sont pas une solution satisfaisante car les matières organiques contiennent de l’eau qui réduisent l’efficacité de la combustion » ; et qu’ « une valorisation matière de qualité pour les biodéchets, et une valorisation énergétique efficace des CSR, passent nécessairement par le tri à la source et la collecte séparée des biodéchets. »

Nous avons fait part de toutes ces observations et d’autres dans une contribution détaillée déposée le 29 juin dans le cadre de l’enquête publique, pour illustrer l’absence de planification explicite du plan (contribution à retrouver en cliquant ici).

Mais hormis quelques élus informés, qui a su et pu participer à cette enquête publique ? Quelle campagne d’information a été menée ? Comment ces sujets d’intérêt général ont-ils été présentés au public ?

Ces questions et inquiétudes ont été reprises par la commission d’enquête pour motiver son avis défavorable : le manque de communication, le défaut de planification et de présentation d’actions concrètes, et enfin l’absence de ligne spécifique concernant le PRPGD dans le budget de la Région, qui l’amène à s’interroger « sur la capacité de la collectivité à concrétiser ses objectifs. » ; concluant comme nous l’avions fait que « le projet présenté, dépourvu de moyens pouvant en assurer la bonne mise en œuvre, se résume à un catalogue de bonnes pratiques n’engageant aucunement la responsabilité du Conseil Régional » (Conclusions et avis de la commission d’enquête sur le PRPGD de la Région Normandie à retrouver en cliquant ici).

Ces remarques sont d’ailleurs reprises dans l’avis du CESER, qui s’interroge sur « les moyens humains et financiers » qui seront consacrés au plan, et sur la priorité nécessaire qu’il faut donner à la réduction des déchets, demandant la révision de ce plan dans les meilleurs délais.

À trop vouloir satisfaire les intérêts particuliers des acteurs locaux, Monsieur Morin aurait-il négligé la responsabilité de planificateur que lui confère la loi NOTRe ? Nous l’avions constaté sur les sujets du climat, de la politique énergétique ou des transports. La Région doit endosser son rôle d’autorité organisatrice et planificatrice, sans céder aux sirènes des intérêts particuliers.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le PRPGD en l’état.