Assemblée plénière Région Normandie – 15 octobre 2018 – Intervention de Claude Taleb sur le rapport d’orientations budgétaires 2019
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Assemblée plénière Région Normandie – 15 octobre 2018

 

Délibération n° 14 : Rapport sur les orientations budgétaires 2019

 

Intervention de Claude TALEB, conseiller régional Normandie Écologie – EELV

 

Dans son intervention de politique générale, François Dufour a parfaitement planté le décor de cet état d’urgence climatique qui devrait inspirer toutes nos réflexions, toutes nos prospectives, toutes nos décisions.

Le rapport du GIEC publié il y a juste une semaine est clair : il faut engager et donc financer, immédiatement, les actions vigoureuses sans lesquelles nous ne parviendrons pas à limiter le réchauffement et nous assisterons, à court terme, à un emballement climatique irréversible.

C’est à cette aune, définitivement à cette seule aune, que les écologistes examineront désormais tous les documents budgétaires qui nous seront présentés.

Ces orientations budgétaires pour 2019, nous promettent un budget primitif 2019 qui ressemblera comme un petit frère à celui de 2018.

Nous ne manquerons pas de vous exposer en détails nos accords, il y en a, et nos désaccords, il ne manquent pas, quand vous nous inviterez, en décembre prochain, à examiner chapitre par chapitre, vos choix politiques en matière d’aménagement du territoire, de formation, de mobilité, d’environnement, de politique culturelle, d’enseignement, d’économie et d’agriculture…

Aujourd’hui on débat sans vote, nous voudrions vous inviter – nous l’avions déjà fait lors de l’adoption du budget primitif de 2018 – à opérer une révolution copernicienne.

Une révolution copernicienne, comme vous le savez, consiste en un renversement de la représentation du monde et de l’univers. Nous y sommes.

Depuis le jour du dépassement, le 7 mai dernier, la Normandie, comme la France, creuse son déficit, son déficit climatique et écologique. Depuis lors, nous émettons plus de carbone que ce que nos forêts, nos prairies, nos océans, peuvent absorber, nous consommons plus de produits de la terre et de la mer que ce que la nature peut nous fournir en une année…

Alors, disons-le clairement, les 6 objectifs stratégiques et 28 missions qui constituent votre feuille de route, pour louables quels qu’en soient les énoncés, ont peu de chances de se réaliser pleinement et de permettre aux habitants de la Région de vivre mieux dans le monde qui vient.
En tous cas tant qu’ils ne seront pas revisités et passés au peigne fin de ce qu’on pourrait appeler une règle d’or climatique.

Une règle d’or qui imposerait que toutes nos politiques, tous nos choix budgétaires soient alignés sur les objectifs de réduction des émissions de CO2 définis dans l’accord de Paris. Concrètement, d’amorcer la décroissance continue des émissions à partir de 2020 pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Nous votons aujourd’hui les budgets de chaque politique « par appartement » sans autre souci global que celui de savoir si au total notre capacité de désendettement est ou non inférieure à 5 ans, si les dépenses de fonctionnement sont contenues, si une croissance indéterminée, quantitative, est consolidée. On notera au passage dans ces orientations budgétaires une prévision de recettes d’investissement très orientée à la hausse, ce qui est un atout majeur pour le financement de la transition écologique.

Nous rêvons de voter demain des orientations budgétaires, des budgets, des schémas d’aménagement, des contractualisations avec les territoires locaux, qui s’évaluent à la lumière d’autres critères qui nous disent si nous faisons notre boulot pour préserver les conditions de vie de nos enfants qui, si nous laissons filer les dérèglements du climat au rythme actuel, vont vivre avec leurs descendances dans des villes plus chaudes et caniculaires, sur un littoral sous risque d’immersions, dans des campagnes exposées à tous les vents, aux sols érodés et au manque d’eau…

Monsieur le Président, il est établi que beaucoup de notre avenir se joue dans les territoires et dans les villes où se concentrent à la fois les habitants, la richesse et les émissions. Vous avez-vous-même récemment plaidé contre ce que vous appelez à juste raison une re-centralisation et pour que les territoires soient davantage considérés.

Mettez la barre un peu plus haut. Ne vous contentez pas de vous présenter comme le bon élève de la maitrise de la dépense publique. Mettez Bercy au défi du déficit écologique qui vaut bien, qui vaut mieux, que celui de la sacro-sainte règle des 3%.

Lors du « One Planet Summit » de Paris, en 2017, l’OCDE, la France et le Mexique ont annoncé la mise en place d’une initiative stratégique destinée à évaluer et piloter l’alignement des processus budgétaires nationaux sur l’Accord de Paris et sur d’autres objectifs environnementaux. Cette initiative a pour objectifs opérationnels de créer les outils, les méthodologies et les lignes directrices qui permettront aux pays d’aligner les flux financiers sur un chemin de réduction des émissions et aux citoyens de suivre les progrès du verdissement des budgets et des politiques publiques.
Mobilisez donc votre administration pour mettre en place avec le Ministère des finances, les outils et les grilles de lecture qui nous permettront de voter en pleine transparence, à l’échéance du budget primitif de 2020, une copie qui nous assurera que nous nous mettons -ou non- sur une trajectoire 1,5 degrés de réchauffement. Effectuez une saisine du Conseil économique social et environnemental pour qu’il apporte sa contribution active.

Monsieur le Président, il subsiste dans cette assemblée quelques hurluberlus – l’un deux issu de votre majorité s’est illustré ces derniers jours sur les réseaux sociaux- qui continuent à prétendre que la terre est plate et que l’activité humaine n’est pour rien dans le réchauffement. Pour eux, la science, le Groupement international des experts pour le Climat, le GIEC, comptent pour du beurre.

Nous savons que la grande majorité de nos collègues, sur tous les bancs, est au contraire saisie par la gravité des enjeux de la crise écologique. Les innovations, les solutions et les technologies existent pour atteindre la neutralité carbone en matière d’énergie, d’habitat, de mobilité, d’alimentation. Il reste à bousculer les habitudes, à accompagner les changements de comportements, à installer l’ingénierie financière indispensable.

Il ne fait aucun doute qu’une initiative régionale destinée à réunir les conditions d’un budget mobilisé pour limiter la hausse du réchauffement à 1,5 degré, serait susceptible de fédérer. Dans notre assemblée et hors de celle-ci, avec les territoires locaux et avec la société civile.

Chiche ?